dimanche 5 juillet 2009

Petite réflexion personnelle sur le parlementarisme

La difficile réalisation de la chaîne de légitimité entre peuple et pouvoir

A la fin du stage de nous cinq Allemands à l'Assemblée, je me permets d'entamer une petite réflexion personnelle sur la « condition parlementaire », c'est-à-dire les conditions dans lesquelles le parlement travaille. L'idée de la démocratie représentative assigne au parlement le rôle du créateur de légitimité politique. Seuls les parlementaires, élus au scrutin universel par les citoyens, peuvent conférer la légitimité aux lois et aux budgets. Sans qu'une majorité d'entre eux aie consenti à un cadre général pour l'action politique, cet action reste illégitime. C'est pour cette raison que, par exemple, la réduction du déficit de légitimité démocratique de l'Union européenne est souvent identifiée au renforcement du Parlement européen.

Le parlement est donc le chaînon principal de la chaîne de légitimité entre le peuple et le pouvoir politique, c’est-à-dire entre membres de société et gouvernement. Si, et seulement si, ce chaînon lie en réalité peuple et pouvoir, le parlement mérite bien le statut du créateur de légitimité.

Cependant, les deux bouts du chaînon sont très inégaux. D'un côté, il y a la circonscription. De l'autre, il y a la salle de commission et du groupe de travail. D'un côté, une énorme multiplicité d'intérêts et de demandes des électeurs nécessitant le talent d'un communicateur généraliste qui sait simplifier les choses pour se faire entendre et comprendre, et pour transférer les demandes au gouvernement. De l'autre, une énorme complexité de mécanismes de gouvernance nécessitant une véritable spécialisation du parlementaire afin de mener un travail efficace de législation et de contrôle. D'un côté, la nécessité d'une opposition claire entre majorité et minorité pour donner la possibilité de faire un choix aux électeurs. De l'autre, la nécessité de différencier pour approcher la complexité des problèmes. D'un côté, la difficulté de communiquer un désaccord entre les membres d'un parti. De l'autre, la nécessité d'un débat sur le fond aussi au sein du parti...

La réalisation du lien entre ces deux « bouts du chaînon » est impossible sans d'autres organismes intermédiaires. Les associations et les groupes d'intérêts aident ainsi à agréger la multiplicité des intérêts et à créer de l'expertise. Il s'agit, d'une façon, de (mini-)chaînons spécialisés entre peuple et pouvoir, dotés d'une moindre légitimité mais aussi d'une grande efficacité. Au sein du parlement, les partis permettent aux parlementaires de se spécialiser et de communiquer.

Or, les processus d'agrégation et de spécialisation dans ces organismes sont toujours accompagnés par un danger de rupture de la chaîne de légitimité, de façon qu'ils tendent à donner la préférence aux intérêts déjà bien organisés en dépit de tous ceux qui sont plus difficiles à communiquer (comme l'avait ressenti par exemple Le Chapelier). Paradoxalement, la réalisation de la chaîne semble être liée à la fois à l'indépendance et à la dépendance du parlementaire : Il doit être à la fois à l'écoute des médias, des groupes d'intérêts, de la direction des partis et du pouvoir exécutif. Et il doit pouvoir s'en émanciper. Ce n'est pas une tâche facile, c'est sûr...
Sebastian Schindler

Après les élections, c'est avant les élections

Le résultat des élections européennes en Allemagne ont peu différé des résultats européens en général – un taux d'abstention élevé (43,3%, voire un peu plus même qu'en 2004) et une victoire claire du centre-droit. Le fait que les élections en Allemagne ont produit peu de gagnants mais beaucoup de perdants est plus particulier. D'abord se trouve ici évidemment le SPD qui n'a pas réussit à élever son résultat historiquement bas des élections européennes 2004 et a même perdu 0,7% avec un score de 20,8%. Cela alors même que les élections de 2004 ont eu lieu dans un environnement dominé par l'impopularité du gouvernement Schröder de l'époque tandis que ces élections-ci ont suivi le sauvetage – temporaire au moins – d'Opel, très médiatisé sous la forte pression du SPD et de son candidat à la chancellerie, l'actuel ministre des affaires étrangers Frank Walter Steinmeier.

La Gauche (Die Linke), même avec son nouveau statut de parti national depuis qu'elle n'est plus limitée à son fief en Allemagne de l'est et dans un climat interventionniste à cause de la crise financière et économique, n'a pas réussit à améliorer de façon significative son résultat de 2004 (+1,4% seulement, soit un score de 7,5%). Les Verts sont restés stables à 12,1% (+0,2% en fait). Le FDP peut être considéré comme seul vrai gagnant; son résultat de 11% (+4,9%) montre que son succès électoral de ces derniers mois n'a pas été dû au hasard. Enfin, les conservateur (CDU/CSU), même s'ils ont distancé le SPD facilement, ont perdu 6,7% (avec un score de 37,9%).

Concernant les élections nationales en septembre, les résultats du 7 juin présentent un problème pour l'Union surtout parce qu'ils ne suffiraient pas pour donner une majorité à sa coalition préférée avec les libéraux. Cela mène à plusieurs considérations pour le système politique allemand. Le candidat du SPD, un parti qui n'a toujours pas réussi à faire le bilan des années Schröder, ne peut devenir chancelier que dans une coalition avec deux autres partis. Les dirigeants du SPD continuent à insister sur le fait qu'une coalition avec La Gauche serait impossible, ce qui laisse comme seule possibilité une Ampelkoalition (SPD, Verts, FDP). Une telle coalition serait fort impopulaire au sein des libéraux. La base des Verts y est aussi très opposée. Une victoire de M. Steinmeier semble peu probable alors.

L'Union semble avoir plus d'options, mais peu d'entre elles sont considérées comme souhaitables. Si les élections nationales, comme le 7 juin, ne mènent pas à une majorité absolue de conservateurs avec des libéraux, l'Union n'aura que deux options pour gouverner: un retour de la grande coalition (peu populaire au sein du SPD ainsi que chez les CDU/CSU et un peu partout dans la population) ou l'intégration des Verts au gouvernement. Cela soit dans un cadre d'une coalition jamaïquaine (CDU/CSU, FDP, Verts) soit dans une coalition directe entre les Verts et l'Union. Une telle coalition n'a eu lieu jusqu'à maintenant que sur l'échelle municipale et serait un pas historique difficile à franchir pour les deux partis.

Les résultats des élections européennes ont effectivement renforcé le dilemme du système politique allemand depuis la consolidation de La Gauche. Un parlement avec cinq fractions dont la plupart montre des hésitations fortes à former des coalitions hors de leur zone de confort politique mène presque inévitablement à un reconduction de la grande coalition.

Kurras
Le 2 juin 1967 le schah est à Berlin, la gauche étudiante déjà très active toute l'année se mobilise massivement contre ce représentant d'un régime répressif en Iran. La police ouest-berlinoise réagit violemment à ces manifestations vocales et omniprésentes, perçues comme embarrassantes. La présence d'à peu près 150 persans (Jubelperser) venant directement d'Iran, payés par le service secret iranien et agissant très brutalement envers les manifestants sans que la police intervienne, n'aide pas à pacifier la situation. La manifestation devant l'opéra allemand (Deutsche Oper) tourne vite à la catastrophe avec au moins 45 blessés chez les étudiants. Le point final et tragique de cette nuit des longs bâtons (Sebastian Haffner) est la mort d'un étudiant, Benno Ohnesorg, par la balle d'un policier, Karl-Heinz Kurras.

Les événements du 2 juin et son épilogue médiatique et juridique contribuent largement à la radicalisation du mouvement des étudiants. La presse allemande, dominée par la maison d'édition Springer, râle contre la violence selon elle emmenant des manifestants; la justice acquitte Kurras qui aurait agi en situation d'autodéfense et décide d'ignorer les forts indices contraires. Le nombre d'adhérants au SDS (Sozialistischer Deutscher Studentenbund - Union socialiste allemande des étudiants) se multiplie par cinq dans les semaines qui suivent. De plus, cette journée est une source d'inspiration pour la gauche radicale et violente, comme le montre par exemple le nom d'un des premier groupe de guérilla urbaine (Stadtguerilla) – die Bewegung 2. Juni.

Pour les étudiants de la gauche de l'époque, l'Etat en général et la police en particulier ont été un lien direct avec l'histoire nazie allemande. En effet, les anciens cadres SS et de la Gestapo ont été omniprésents dans la police ouest-berlinoise. La haine envers les institutions et la mobilisation contre elles ont été nourries par une séparation distincte entre la génération Auschwitz (Gudrun Ensslin), toujours considérée comme au pouvoir, et les étudiants.

Depuis quelques semaines seulement, on sait que Kurras, paradoxale vu son image du flic fasciste, a été un espion de la Stasi. Son dossier a été trouvé par hasard et pose maintenant de nombreuses questions sur cet épisode desormais très important dans l'histoire de la RFA.

D'abord l'impact de la Stasi sur le mouvement de 68 se pose. Aurait-elle essayé d'encourager la radicalisation des étudiants à partir d'un meurtre commis par les forces de l'ordre ouest-berlinoises? Les indices trouvés dans le dossier de Kurras semblent réfuter ces suspicions, mais ils ne suffissent pas à disperser complètement le doute. De plus, quel impact sur les étudiants à l'époque aurait eu la connaissance de l'activité de Kurras au sein de la Stasi? La mort de Ohnesorg a servi comme déclencheur de la radicalisation des étudiants, mais cette opposition à l'Etat avait des raisons structurelles d'abord. La radicalisation aurait peut-être pris place plus tard avec un autre incident comme déclencheur, mais il semble peu probable que la connaissance de l'espionnage de Kurras aurait fondamentalement changé quoi que soit.
Benjamin Preisler

Actualités du Bundestag - JIP VI

Limitation des rémunérations des patrons
Le Bundestag a approuvé jeudi 18 juin un projet de loi limitant la rémunération des cadres dirigeants des entreprises. En vertu de ces nouvelles règles, les membres des conseils d'administration devront attendre quatre ans, et non plus deux, pour lever leurs stock-options. La loi facilite également la possibilité pour les conseils de surveillance de réduire les rémunérations des administrateurs en cas de développements "extraordinaires". Les conseils de surveillance devront en outre répondre d'augmentations de salaires jugées excessives. Si les membres du conseil d'administration sont jugés responsables de pertes de leur entreprise, ils pourront être contraints de la dédommager, d'au moins 10% des pertes considérées mais dans une limite de 1,5 fois la part fixe de leur salaire annuel. L'objectif du gouvernement d'Angela Merkel par cette loi est de favoriser la gestion à long terme et de réduire l'emprise d'une réflexion à court terme sur la marche des entreprises.

Loi relative aux testaments de vie
Après trois ans de négociation, le Bundestag s’est accordé sur une réglementation légale relative aux droits des malades et à la fin de vie. Il a adopté jeudi 18 juin une proposition de loi ancrant le testament de vie comme institution juridique dans le droit tutélaire. Le texte prévoit le respect inconditionnel de la volonté du concerné, indépendant de la nature et le stade de sa maladie. Cependant, des déterminations fixant un homicide à demande dans un testament de vie, restent sans effet alors cet acte est interdit. Il cible également que les tutelles ou garde doivent prendre l'avis du Juge des Tutelles pour tous actes médicaux importants. Par ailleurs le projet précise que la rédaction d’un testament de vie n’est pas contraignante.

Loi contre la pornographie enfantine
Dans la nuit du 18 au 19 juin, le projet de loi sur le filtrage du web, défendu par la ministre de la Famille allemande, Ursula von der Leyen, a été adopté au Bundestag par 389 voix contre 128 et 18 abstentions, malgré une forte opposition relayée dans les propres rangs (c.f. Le Parti Pirate allemand gagne un député au Bundestag), en ligne par une pétition qui a déjà rassemblé près de 135 000 signatures, ou au travers de nombreuses manifestations qui ont ponctué le vif débat. Le blocage d’accès aux sites Internet de pornographie infantile, qui devient de fait obligatoire pour l’ensemble des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) en Allemagne, est désormais autorisé. Ces derniers s’exécutaient déjà volontairement au travers d’accords passés en avril avec le gouvernement. Une liste noire officielle de sites à bloquer sera donc communiquée quotidiennement aux FAI par le bureau fédéral de la police criminelle (Bundeskriminalamt BKA), la plus haute autorité policière allemande.

Le Parti Pirate allemand gagne un député au Bundestag
Deux semaines après l'arrivée du Parti Pirate suédois au Parlement européen, c'est au Parlement allemand que le Parti Pirate gagne un siège. Opposé au projet de loi de filtrage du net (Loi contre la pornographie enfantine) qui oblige les fournisseurs d'accès à Internet à bloquer l'accès à certains sites internet dont la liste sera établie par l'administration, sans contre-pouvoir, le député Jörg Tauss a décidé de quitter le SPD et de rejoindre aussitôt le Piratenpartei, qui fait donc déjà son entrée au Bundestag. Une décision toutefois entourée d'une controverse personnelle.
Wiebke Ewering

Journal interparlementaire VI

Voici la derniere (et sixième) édition du Journal interparlementaire.