dimanche 5 juillet 2009

Après les élections, c'est avant les élections

Le résultat des élections européennes en Allemagne ont peu différé des résultats européens en général – un taux d'abstention élevé (43,3%, voire un peu plus même qu'en 2004) et une victoire claire du centre-droit. Le fait que les élections en Allemagne ont produit peu de gagnants mais beaucoup de perdants est plus particulier. D'abord se trouve ici évidemment le SPD qui n'a pas réussit à élever son résultat historiquement bas des élections européennes 2004 et a même perdu 0,7% avec un score de 20,8%. Cela alors même que les élections de 2004 ont eu lieu dans un environnement dominé par l'impopularité du gouvernement Schröder de l'époque tandis que ces élections-ci ont suivi le sauvetage – temporaire au moins – d'Opel, très médiatisé sous la forte pression du SPD et de son candidat à la chancellerie, l'actuel ministre des affaires étrangers Frank Walter Steinmeier.

La Gauche (Die Linke), même avec son nouveau statut de parti national depuis qu'elle n'est plus limitée à son fief en Allemagne de l'est et dans un climat interventionniste à cause de la crise financière et économique, n'a pas réussit à améliorer de façon significative son résultat de 2004 (+1,4% seulement, soit un score de 7,5%). Les Verts sont restés stables à 12,1% (+0,2% en fait). Le FDP peut être considéré comme seul vrai gagnant; son résultat de 11% (+4,9%) montre que son succès électoral de ces derniers mois n'a pas été dû au hasard. Enfin, les conservateur (CDU/CSU), même s'ils ont distancé le SPD facilement, ont perdu 6,7% (avec un score de 37,9%).

Concernant les élections nationales en septembre, les résultats du 7 juin présentent un problème pour l'Union surtout parce qu'ils ne suffiraient pas pour donner une majorité à sa coalition préférée avec les libéraux. Cela mène à plusieurs considérations pour le système politique allemand. Le candidat du SPD, un parti qui n'a toujours pas réussi à faire le bilan des années Schröder, ne peut devenir chancelier que dans une coalition avec deux autres partis. Les dirigeants du SPD continuent à insister sur le fait qu'une coalition avec La Gauche serait impossible, ce qui laisse comme seule possibilité une Ampelkoalition (SPD, Verts, FDP). Une telle coalition serait fort impopulaire au sein des libéraux. La base des Verts y est aussi très opposée. Une victoire de M. Steinmeier semble peu probable alors.

L'Union semble avoir plus d'options, mais peu d'entre elles sont considérées comme souhaitables. Si les élections nationales, comme le 7 juin, ne mènent pas à une majorité absolue de conservateurs avec des libéraux, l'Union n'aura que deux options pour gouverner: un retour de la grande coalition (peu populaire au sein du SPD ainsi que chez les CDU/CSU et un peu partout dans la population) ou l'intégration des Verts au gouvernement. Cela soit dans un cadre d'une coalition jamaïquaine (CDU/CSU, FDP, Verts) soit dans une coalition directe entre les Verts et l'Union. Une telle coalition n'a eu lieu jusqu'à maintenant que sur l'échelle municipale et serait un pas historique difficile à franchir pour les deux partis.

Les résultats des élections européennes ont effectivement renforcé le dilemme du système politique allemand depuis la consolidation de La Gauche. Un parlement avec cinq fractions dont la plupart montre des hésitations fortes à former des coalitions hors de leur zone de confort politique mène presque inévitablement à un reconduction de la grande coalition.

Kurras
Le 2 juin 1967 le schah est à Berlin, la gauche étudiante déjà très active toute l'année se mobilise massivement contre ce représentant d'un régime répressif en Iran. La police ouest-berlinoise réagit violemment à ces manifestations vocales et omniprésentes, perçues comme embarrassantes. La présence d'à peu près 150 persans (Jubelperser) venant directement d'Iran, payés par le service secret iranien et agissant très brutalement envers les manifestants sans que la police intervienne, n'aide pas à pacifier la situation. La manifestation devant l'opéra allemand (Deutsche Oper) tourne vite à la catastrophe avec au moins 45 blessés chez les étudiants. Le point final et tragique de cette nuit des longs bâtons (Sebastian Haffner) est la mort d'un étudiant, Benno Ohnesorg, par la balle d'un policier, Karl-Heinz Kurras.

Les événements du 2 juin et son épilogue médiatique et juridique contribuent largement à la radicalisation du mouvement des étudiants. La presse allemande, dominée par la maison d'édition Springer, râle contre la violence selon elle emmenant des manifestants; la justice acquitte Kurras qui aurait agi en situation d'autodéfense et décide d'ignorer les forts indices contraires. Le nombre d'adhérants au SDS (Sozialistischer Deutscher Studentenbund - Union socialiste allemande des étudiants) se multiplie par cinq dans les semaines qui suivent. De plus, cette journée est une source d'inspiration pour la gauche radicale et violente, comme le montre par exemple le nom d'un des premier groupe de guérilla urbaine (Stadtguerilla) – die Bewegung 2. Juni.

Pour les étudiants de la gauche de l'époque, l'Etat en général et la police en particulier ont été un lien direct avec l'histoire nazie allemande. En effet, les anciens cadres SS et de la Gestapo ont été omniprésents dans la police ouest-berlinoise. La haine envers les institutions et la mobilisation contre elles ont été nourries par une séparation distincte entre la génération Auschwitz (Gudrun Ensslin), toujours considérée comme au pouvoir, et les étudiants.

Depuis quelques semaines seulement, on sait que Kurras, paradoxale vu son image du flic fasciste, a été un espion de la Stasi. Son dossier a été trouvé par hasard et pose maintenant de nombreuses questions sur cet épisode desormais très important dans l'histoire de la RFA.

D'abord l'impact de la Stasi sur le mouvement de 68 se pose. Aurait-elle essayé d'encourager la radicalisation des étudiants à partir d'un meurtre commis par les forces de l'ordre ouest-berlinoises? Les indices trouvés dans le dossier de Kurras semblent réfuter ces suspicions, mais ils ne suffissent pas à disperser complètement le doute. De plus, quel impact sur les étudiants à l'époque aurait eu la connaissance de l'activité de Kurras au sein de la Stasi? La mort de Ohnesorg a servi comme déclencheur de la radicalisation des étudiants, mais cette opposition à l'Etat avait des raisons structurelles d'abord. La radicalisation aurait peut-être pris place plus tard avec un autre incident comme déclencheur, mais il semble peu probable que la connaissance de l'espionnage de Kurras aurait fondamentalement changé quoi que soit.
Benjamin Preisler

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