dimanche 5 juillet 2009

Petite réflexion personnelle sur le parlementarisme

La difficile réalisation de la chaîne de légitimité entre peuple et pouvoir

A la fin du stage de nous cinq Allemands à l'Assemblée, je me permets d'entamer une petite réflexion personnelle sur la « condition parlementaire », c'est-à-dire les conditions dans lesquelles le parlement travaille. L'idée de la démocratie représentative assigne au parlement le rôle du créateur de légitimité politique. Seuls les parlementaires, élus au scrutin universel par les citoyens, peuvent conférer la légitimité aux lois et aux budgets. Sans qu'une majorité d'entre eux aie consenti à un cadre général pour l'action politique, cet action reste illégitime. C'est pour cette raison que, par exemple, la réduction du déficit de légitimité démocratique de l'Union européenne est souvent identifiée au renforcement du Parlement européen.

Le parlement est donc le chaînon principal de la chaîne de légitimité entre le peuple et le pouvoir politique, c’est-à-dire entre membres de société et gouvernement. Si, et seulement si, ce chaînon lie en réalité peuple et pouvoir, le parlement mérite bien le statut du créateur de légitimité.

Cependant, les deux bouts du chaînon sont très inégaux. D'un côté, il y a la circonscription. De l'autre, il y a la salle de commission et du groupe de travail. D'un côté, une énorme multiplicité d'intérêts et de demandes des électeurs nécessitant le talent d'un communicateur généraliste qui sait simplifier les choses pour se faire entendre et comprendre, et pour transférer les demandes au gouvernement. De l'autre, une énorme complexité de mécanismes de gouvernance nécessitant une véritable spécialisation du parlementaire afin de mener un travail efficace de législation et de contrôle. D'un côté, la nécessité d'une opposition claire entre majorité et minorité pour donner la possibilité de faire un choix aux électeurs. De l'autre, la nécessité de différencier pour approcher la complexité des problèmes. D'un côté, la difficulté de communiquer un désaccord entre les membres d'un parti. De l'autre, la nécessité d'un débat sur le fond aussi au sein du parti...

La réalisation du lien entre ces deux « bouts du chaînon » est impossible sans d'autres organismes intermédiaires. Les associations et les groupes d'intérêts aident ainsi à agréger la multiplicité des intérêts et à créer de l'expertise. Il s'agit, d'une façon, de (mini-)chaînons spécialisés entre peuple et pouvoir, dotés d'une moindre légitimité mais aussi d'une grande efficacité. Au sein du parlement, les partis permettent aux parlementaires de se spécialiser et de communiquer.

Or, les processus d'agrégation et de spécialisation dans ces organismes sont toujours accompagnés par un danger de rupture de la chaîne de légitimité, de façon qu'ils tendent à donner la préférence aux intérêts déjà bien organisés en dépit de tous ceux qui sont plus difficiles à communiquer (comme l'avait ressenti par exemple Le Chapelier). Paradoxalement, la réalisation de la chaîne semble être liée à la fois à l'indépendance et à la dépendance du parlementaire : Il doit être à la fois à l'écoute des médias, des groupes d'intérêts, de la direction des partis et du pouvoir exécutif. Et il doit pouvoir s'en émanciper. Ce n'est pas une tâche facile, c'est sûr...
Sebastian Schindler

Après les élections, c'est avant les élections

Le résultat des élections européennes en Allemagne ont peu différé des résultats européens en général – un taux d'abstention élevé (43,3%, voire un peu plus même qu'en 2004) et une victoire claire du centre-droit. Le fait que les élections en Allemagne ont produit peu de gagnants mais beaucoup de perdants est plus particulier. D'abord se trouve ici évidemment le SPD qui n'a pas réussit à élever son résultat historiquement bas des élections européennes 2004 et a même perdu 0,7% avec un score de 20,8%. Cela alors même que les élections de 2004 ont eu lieu dans un environnement dominé par l'impopularité du gouvernement Schröder de l'époque tandis que ces élections-ci ont suivi le sauvetage – temporaire au moins – d'Opel, très médiatisé sous la forte pression du SPD et de son candidat à la chancellerie, l'actuel ministre des affaires étrangers Frank Walter Steinmeier.

La Gauche (Die Linke), même avec son nouveau statut de parti national depuis qu'elle n'est plus limitée à son fief en Allemagne de l'est et dans un climat interventionniste à cause de la crise financière et économique, n'a pas réussit à améliorer de façon significative son résultat de 2004 (+1,4% seulement, soit un score de 7,5%). Les Verts sont restés stables à 12,1% (+0,2% en fait). Le FDP peut être considéré comme seul vrai gagnant; son résultat de 11% (+4,9%) montre que son succès électoral de ces derniers mois n'a pas été dû au hasard. Enfin, les conservateur (CDU/CSU), même s'ils ont distancé le SPD facilement, ont perdu 6,7% (avec un score de 37,9%).

Concernant les élections nationales en septembre, les résultats du 7 juin présentent un problème pour l'Union surtout parce qu'ils ne suffiraient pas pour donner une majorité à sa coalition préférée avec les libéraux. Cela mène à plusieurs considérations pour le système politique allemand. Le candidat du SPD, un parti qui n'a toujours pas réussi à faire le bilan des années Schröder, ne peut devenir chancelier que dans une coalition avec deux autres partis. Les dirigeants du SPD continuent à insister sur le fait qu'une coalition avec La Gauche serait impossible, ce qui laisse comme seule possibilité une Ampelkoalition (SPD, Verts, FDP). Une telle coalition serait fort impopulaire au sein des libéraux. La base des Verts y est aussi très opposée. Une victoire de M. Steinmeier semble peu probable alors.

L'Union semble avoir plus d'options, mais peu d'entre elles sont considérées comme souhaitables. Si les élections nationales, comme le 7 juin, ne mènent pas à une majorité absolue de conservateurs avec des libéraux, l'Union n'aura que deux options pour gouverner: un retour de la grande coalition (peu populaire au sein du SPD ainsi que chez les CDU/CSU et un peu partout dans la population) ou l'intégration des Verts au gouvernement. Cela soit dans un cadre d'une coalition jamaïquaine (CDU/CSU, FDP, Verts) soit dans une coalition directe entre les Verts et l'Union. Une telle coalition n'a eu lieu jusqu'à maintenant que sur l'échelle municipale et serait un pas historique difficile à franchir pour les deux partis.

Les résultats des élections européennes ont effectivement renforcé le dilemme du système politique allemand depuis la consolidation de La Gauche. Un parlement avec cinq fractions dont la plupart montre des hésitations fortes à former des coalitions hors de leur zone de confort politique mène presque inévitablement à un reconduction de la grande coalition.

Kurras
Le 2 juin 1967 le schah est à Berlin, la gauche étudiante déjà très active toute l'année se mobilise massivement contre ce représentant d'un régime répressif en Iran. La police ouest-berlinoise réagit violemment à ces manifestations vocales et omniprésentes, perçues comme embarrassantes. La présence d'à peu près 150 persans (Jubelperser) venant directement d'Iran, payés par le service secret iranien et agissant très brutalement envers les manifestants sans que la police intervienne, n'aide pas à pacifier la situation. La manifestation devant l'opéra allemand (Deutsche Oper) tourne vite à la catastrophe avec au moins 45 blessés chez les étudiants. Le point final et tragique de cette nuit des longs bâtons (Sebastian Haffner) est la mort d'un étudiant, Benno Ohnesorg, par la balle d'un policier, Karl-Heinz Kurras.

Les événements du 2 juin et son épilogue médiatique et juridique contribuent largement à la radicalisation du mouvement des étudiants. La presse allemande, dominée par la maison d'édition Springer, râle contre la violence selon elle emmenant des manifestants; la justice acquitte Kurras qui aurait agi en situation d'autodéfense et décide d'ignorer les forts indices contraires. Le nombre d'adhérants au SDS (Sozialistischer Deutscher Studentenbund - Union socialiste allemande des étudiants) se multiplie par cinq dans les semaines qui suivent. De plus, cette journée est une source d'inspiration pour la gauche radicale et violente, comme le montre par exemple le nom d'un des premier groupe de guérilla urbaine (Stadtguerilla) – die Bewegung 2. Juni.

Pour les étudiants de la gauche de l'époque, l'Etat en général et la police en particulier ont été un lien direct avec l'histoire nazie allemande. En effet, les anciens cadres SS et de la Gestapo ont été omniprésents dans la police ouest-berlinoise. La haine envers les institutions et la mobilisation contre elles ont été nourries par une séparation distincte entre la génération Auschwitz (Gudrun Ensslin), toujours considérée comme au pouvoir, et les étudiants.

Depuis quelques semaines seulement, on sait que Kurras, paradoxale vu son image du flic fasciste, a été un espion de la Stasi. Son dossier a été trouvé par hasard et pose maintenant de nombreuses questions sur cet épisode desormais très important dans l'histoire de la RFA.

D'abord l'impact de la Stasi sur le mouvement de 68 se pose. Aurait-elle essayé d'encourager la radicalisation des étudiants à partir d'un meurtre commis par les forces de l'ordre ouest-berlinoises? Les indices trouvés dans le dossier de Kurras semblent réfuter ces suspicions, mais ils ne suffissent pas à disperser complètement le doute. De plus, quel impact sur les étudiants à l'époque aurait eu la connaissance de l'activité de Kurras au sein de la Stasi? La mort de Ohnesorg a servi comme déclencheur de la radicalisation des étudiants, mais cette opposition à l'Etat avait des raisons structurelles d'abord. La radicalisation aurait peut-être pris place plus tard avec un autre incident comme déclencheur, mais il semble peu probable que la connaissance de l'espionnage de Kurras aurait fondamentalement changé quoi que soit.
Benjamin Preisler

Actualités du Bundestag - JIP VI

Limitation des rémunérations des patrons
Le Bundestag a approuvé jeudi 18 juin un projet de loi limitant la rémunération des cadres dirigeants des entreprises. En vertu de ces nouvelles règles, les membres des conseils d'administration devront attendre quatre ans, et non plus deux, pour lever leurs stock-options. La loi facilite également la possibilité pour les conseils de surveillance de réduire les rémunérations des administrateurs en cas de développements "extraordinaires". Les conseils de surveillance devront en outre répondre d'augmentations de salaires jugées excessives. Si les membres du conseil d'administration sont jugés responsables de pertes de leur entreprise, ils pourront être contraints de la dédommager, d'au moins 10% des pertes considérées mais dans une limite de 1,5 fois la part fixe de leur salaire annuel. L'objectif du gouvernement d'Angela Merkel par cette loi est de favoriser la gestion à long terme et de réduire l'emprise d'une réflexion à court terme sur la marche des entreprises.

Loi relative aux testaments de vie
Après trois ans de négociation, le Bundestag s’est accordé sur une réglementation légale relative aux droits des malades et à la fin de vie. Il a adopté jeudi 18 juin une proposition de loi ancrant le testament de vie comme institution juridique dans le droit tutélaire. Le texte prévoit le respect inconditionnel de la volonté du concerné, indépendant de la nature et le stade de sa maladie. Cependant, des déterminations fixant un homicide à demande dans un testament de vie, restent sans effet alors cet acte est interdit. Il cible également que les tutelles ou garde doivent prendre l'avis du Juge des Tutelles pour tous actes médicaux importants. Par ailleurs le projet précise que la rédaction d’un testament de vie n’est pas contraignante.

Loi contre la pornographie enfantine
Dans la nuit du 18 au 19 juin, le projet de loi sur le filtrage du web, défendu par la ministre de la Famille allemande, Ursula von der Leyen, a été adopté au Bundestag par 389 voix contre 128 et 18 abstentions, malgré une forte opposition relayée dans les propres rangs (c.f. Le Parti Pirate allemand gagne un député au Bundestag), en ligne par une pétition qui a déjà rassemblé près de 135 000 signatures, ou au travers de nombreuses manifestations qui ont ponctué le vif débat. Le blocage d’accès aux sites Internet de pornographie infantile, qui devient de fait obligatoire pour l’ensemble des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) en Allemagne, est désormais autorisé. Ces derniers s’exécutaient déjà volontairement au travers d’accords passés en avril avec le gouvernement. Une liste noire officielle de sites à bloquer sera donc communiquée quotidiennement aux FAI par le bureau fédéral de la police criminelle (Bundeskriminalamt BKA), la plus haute autorité policière allemande.

Le Parti Pirate allemand gagne un député au Bundestag
Deux semaines après l'arrivée du Parti Pirate suédois au Parlement européen, c'est au Parlement allemand que le Parti Pirate gagne un siège. Opposé au projet de loi de filtrage du net (Loi contre la pornographie enfantine) qui oblige les fournisseurs d'accès à Internet à bloquer l'accès à certains sites internet dont la liste sera établie par l'administration, sans contre-pouvoir, le député Jörg Tauss a décidé de quitter le SPD et de rejoindre aussitôt le Piratenpartei, qui fait donc déjà son entrée au Bundestag. Une décision toutefois entourée d'une controverse personnelle.
Wiebke Ewering

Journal interparlementaire VI

Voici la derniere (et sixième) édition du Journal interparlementaire.

lundi 1 juin 2009

60 ans de RFA

Créée par la loi constitutionnelle du 23 mai 1949 et proclamée 2 jours plus tard, la République fédérale d'Allemagne (RFA) fête cette année ses 60 ans. A la fois espoir de paix après des décennies de conflits et symbole de l’antagonisme naissant entre Occidentaux et Soviétiques, la RFA va devenir l’un des moteurs économiques de l’Europe ainsi qu’un fer de lance de la construction européenne.

Après sa capitulation, le 8 mai 1945, l’Allemagne est un pays ruiné, détruit, dont le régime vaincu est à l’origine d'affreuses atrocités. La conférence de Potsdam marque la séparation du pays en quatre zones distinctes, une sous surveillance soviétique et les autres sous surveillance occidentale (Etats-Unis, Royaume-Uni, France). Afin d'éviter que le pays ne sombre dans la pauvreté extrême et le désordre économique les puissances occupantes vont mettre en place une réforme économique dans leurs zones (réforme qui aboutit à la création de la Deutsche Mark).

Les autorités américaines et britanniques décident le 1er janvier 1947 de faire fusionner leurs deux zones afin de favoriser le développement économique. Cette bizone devient une trizone pendant la Conférence de Londres au printemps 1948, avec l’adjonction de la zone d’occupation française. Les Etats occidentaux participant à la Conférence de Londres commencent alors à évoquer l’idée d’un gouvernement démocratique en Allemagne. En représailles, l’Union Soviétique se retire, le 20 mars 1948, du Conseil de contrôle allié, ce qui marque la fin du quadripartisme.

Staline interprète la mise en place de la Deutsche Mark comme une violation du principe de souveraineté collective entériné lors de la conférence de Postdam et une tentative occidentale de déstabilisation de l’URSS. Le blocus de Berlin-Ouest, réaction soviétique à la réforme engagée par les Occidentaux, ne sera levé qu’un an plus tard et symbolise la première crise de la Guerre Froide et la division de l’Allemagne

L’aboutissement de la réforme économique occidentale est la création de la RFA en 1949. L’URSS transformera sa zone d’occupation en un pays indépendant quelques mois plus tard : la République Démocratique d’Allemagne (RDA). Economiquement on parle du « miracle allemand » (Wirtschaftswunder) tant la croissance économique des années 1950 et 1960 est forte en RFA. D’un point de vue politique, la loi constitutionnelle instaure un équilibre des pouvoirs entre les Länder et le Bund, comme entre l'exécutif et le législatif. Deux partis animent la vie politique: le SPD (Parti social-démocrate d'Allemagne), qui abandonne la référence marxiste en 1959, et la CDU (Union chrétienne-démocrate), organisation de cadres et de notables. Majorités CDU et SPD alternent au Parlement jusqu’à la réunification avec une percée notable des écologistes à partir du début des années 1980.

RFA et Guerre Froide ne peuvent être dissociés. M. Konrad Adenauer, premier chancelier de la RFA décide d'intégrer l’Allemagne de l’Ouest à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) en 1954 lors des accords de Paris. La RFA occupe désormais une place sur la scène internationale. C'est en tant qu'Etat souverain que la RFA signe en 1957 le Traité de Rome fondant le Marché commun et mettant en marche le processus d'intégration européenne. La construction du Mur de Berlin en 1961, qui séparera la ville en deux jusqu’en 1989 symbolise à nouveau le fossé se creusant entre les deux Allemagnes. L’ère Adenauer (1949-1963) sera marquée par la réconciliation avec la France et la création de liens diplomatiques forts avec Israël mais aussi par un éloignement de plus en plus concret avec la RDA. Par la suite, le chancelier social-démocrate Willy Brandt (ancien maire de Berlin-Ouest) inaugure une politique de rapprochement avec l’Est, marqué symboliquement par l’hommage rendu au mémorial du soulèvement du ghetto de Varsovie en 1970. Il lance l'Ostpolitik : la RFA reconnaît la RDA après 22 années de doctrine Hallstein (la RFA revendiquait le droit à elle seule de représenter l'Allemagne et rompait toute relation diplomatique avec les pays qui reconnaissaient la RDA). Les deux Allemagnes entrent à l'ONU en 1973.

L'ouverture du «rideau de fer» en Hongrie au printemps 1989, dans le contexte de la perestroïka, provoque la ruée de milliers d'Allemands de l'Est hors de leur pays. Le régime communiste finit par céder face à l’ampleur des manifestations populaires. La chute du Mur de Berlin marque la fin de la séparation et est suivi par la réunification. Le 3 octobre 1990, un traité d'union met fin à la division et, en décembre, les premières élections de l'Allemagne unie sont remportées par le chancelier M. Helmut Kohl et la coalition Union-FDP qu’il représente. Des traités sont signés avec l'URSS, la Pologne, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, reconnaissant les frontières nées de la Seconde Guerre mondiale.

De nombreuses manifestations sont prévues à l’occasion de l’anniversaire de la création de la RFA. L’un des événements les plus médiatisés est l’exposition à Berlin de soixante œuvres d’art retraçant l’évolution artistique de la RFA. Plus qu’une ode à l’esthétique ouest-allemande, cette exposition se veut être un hommage appuyé à la loi constitutionnelle du 23 mai 1949, qui, dans son article 5, paragraphe 3 proclamait et garantissait la liberté de l’art et de la science après des années de soumission au totalitarisme nazi. La chancelière Mme. Angela Merkel a salué cette initiative et a évoqué, lors de l’inauguration, l’espoir que représentait la liberté artistique en RFA pour les Allemands de RDA, assujettis alors à l’idéologie communiste.
Guillaume Pinta

Le premier mai à Berlin – une tradition triste mais inévitable?

Le quartier de Kreuzberg à Berlin Ouest était un foyer de « tensions sociales » (sozialer Brennpunkt) dans les années 1980. Plus de la moitié de la population subsistait sous le minimum vital défini comme tel par l'Etat (amtlich definiertes Existenzminimum). Au même temps Kreuzberg était le centre de la gauche radicale et des groupuscules alternatifs (des punks, des squatters). La forte résistance contre le recensement (Volkszählung) aussi a été concentrée sur les deux anciennes zones postales 36 et 61. Pendant la décennie qui a précédé la réunification, il y a toujours eu des confrontations avec la police, mais les dégâts restaient limités et ne provoquaient pas l'attention nationale ou même berlinoise. Le mélange explosif a éclaté le 1er Mai 1987.

La perquisition sans mandat d'un centre de la gauche radicale, le Mehringhof, et la dissolution violente d'une fête politique dans la rue sans permis officiel ont été des éléments déclencheurs des plus grandes émeutes survenues dans l'existence de la RFA. Mille casseurs auraient réussi à prendre le contrôle du quartier jusqu'à trois heures du matin quand la police a finalement enlevé les derniers blocages. Plus de 30 magasins ont été saccagés, 193 policiers blessés, et un grand nombre de voitures brûlées.

Depuis, aucun premier mai ne s'est déroulé paisiblement à Kreuzberg. La violence a parfois été très importante (1991), parfois plutôt limitée (1993). Même s'il est discuté que les émeutes en 1987 doivent être comprise comme des actions politiques, aujourd'hui les témoignages concordent généralement sur le fait que l'alcool et la possibilité de pillage ont été les facteurs déterminants. En tout cas il est peu discuté qu'aujourd'hui le premier mai n'est qu'une occasion saisie par des jeunes défavorisés et surtout les (bourgeois pour la plupart) « touristes de bagarre » (Krawalltouristen).

Au début, les forces de l'ordre ont beaucoup contribué à la détérioration de la situation avec une réponse très violente et peu ciblée. Une politique de désescalade (Deeskalation) a produit de meilleurs résultats par la suite. Une fête officielle (Myfest) avec le soutien de la police est organisée à Kreuzberg 36 par les riverains avec des jeunes du quartier et des policiers sans monture (Anti-Konfliktteam) comme médiateurs. Les tentatives des émeutiers obstinés de commencer les rites traditionnels sont idéalement sanctionnées par leurs arrestations sans des essais de vider la rue, ce qui antagoniserait la foule. Ce concept est basé sur l'idée que les émeutes sont généralement initiées par peu d'individus qui incitent la masse, plutôt passive, à les suivre. La désescalade a largement contribué à une amélioration de la situation ces dernières années.

Malheureusement, cette année a été difficile à nouveau. Le niveau de violence n'avait pas été si élevé depuis 2004 – presque 300 arrestations et 400 policiers blessés. Ce constat semble lié d'une part à la crise et aux prophéties auto-réalisatrices de certains politiciens allemands sur l'apparition de perturbations sociales. Michael Sommer, président de la plus grande organisation des syndicats allemands, et Gesine Schwan dans sa deuxième campagne présidentielle très probablement en vaine se sont mis en valeur plutôt désagréablement avec leur rhétorique presque challengeante pour les groupuscules autonomes et violents. D'autre part, il semble que les forces de l'ordre ont agit plus violemment dès le début et surtout que leurs actions ont été moins ciblées, contribuant à la mobilisation de la foule. Cela serait lié à une forte présence de policiers de province peu habitués aux manifestations explosives de Kreuzberg.

Quelle que soit la raison, il est évident que le succès de ces dernières années en terme de limitation des dégâts n'a pas réussi à éradiquer cette tradition des émeutes à Kreuzberg. Même si la boboisation a fait disparaître les anciens quartiers 36 et 61 et si les riverains ont commencé à coopérer avec la police, les « touristes de bagarre » et les groupuscules de punks ou autres groupes autonomes refusent de céder. Il semble peu probable que cela change dans les prochaines années.
Benjamin Preisler

La construction d'un État européen, n’est-elle qu’une question d’appellation ?

Dans son livre « La constellation postnationale » (1998), Jürgen Habermas envisagea la construction d'un Etat fédéral européen. Cette revendication n'est pas partagée par des penseurs français comme Jean-Marc Ferry, qui expliqua en 2005 « que la nature ou le sens politique de l’Union n’est pas encore mûri ; en clair : on reste attaché à l’image de l’État fédéral, ce qui est une erreur ».

Cette différence d'opinion n'est pas seulement pertinente pour les deux philosophes. On la retrouve également chez les acteurs politiques en Allemagne et en France : Tandis qu'une partie importante des politiciens allemands, comme par exemple les sociaux-démocrates dans leur plus récent programme de principes de 2007, sont majoritairement inspirés par l'idée d'un État fédéral européen avec une Commission transformée en gouvernement et responsable devant le Parlement, les femmes et hommes politiques français sont souvent plus sceptiques.

Or, quelle est la raison de cette différence d'opinion ? On peut supposer qu'elle ne repose pas, en partie, sur une question de fond, mais bien plutôt uniquement sur une question d'appellation. Jean-Marc Ferry et les politiciens français concernés ne veulent peut-être pas envisager la construction européenne en termes d'Etat car pour eux, le concept d'Etat renvoie à l'image d'une construction politique centralisée, fondée sur la notion de la souveraineté « une et indivisible » de Jean Bodin. C’est à cause de cette notion de souveraineté que Ferry estime que l’Union européenne « doit faire montre d’autorité – non de souveraineté ! – à l’endroit de certains de ses États membres […] ». Et c’est à cause de cette notion que Ferry constate que « l’orientation subreptice vers l’Etat fédéral est simplement un contresens philosophique et politique » – oui, un contresens en ce qu’elle contredit la notion de souveraineté de Bodin.

Or, Jürgen Habermas et les politiciens allemands assument l'idée d'un État fédéral car pour eux, l'idée d'un État n'est pas nécessairement liée à la notion d'une souveraineté une et indivisible. La République fédérale d'Allemagne (RFA) est un exemple d'État où la souveraineté est, en pratique, exercée de façon partagée : La RFA ne comporte pas les Länder, elle est constituée par les Länder, qui sont souverains dans certains domaines. Le principe d’attribution des compétences est similaire à celui qui avait été prévu par le traité constitutionnel européen : les compétences qui ne sont pas attribuées à l’Etat fédéral dans la Loi fondamentale (articles 73 et 74) appartiennent aux Länder. La « compétence de la compétence » (Kompetenz-Kompetenz), c'est-à-dire la compétence de décider sur la répartition des compétences, est partagée entre le Bundesrat, réunissant, comme le Conseil européen, les représentants des gouvernements des Länder, et le Bundestag : Ils ne peuvent changer la constitution que de manière conjointe (cf. l’article 79 alinéa 2 de la Loi fondamentale allemande). En outre, le principe fédéraliste est protégé par la clause d’éternité (Ewigkeitsklausel) de l’article 79 alinéa 3 qui interdit toute atteinte à l’organisation fédérale du pays.
Sebastian Schindler

La loi contre les cagoules – le Vermummumgsverbot

La loi contre le déguisement (datant de 1985) appartient à la loi de rassemblement (Versammlungsgesetz) qui est placée au même niveau législatif que le code civil ou le code pénal comme une loi fédérale (Bundesgesetz).

Cette loi de rassemblement a été établie sous la responsabilité du ministère fédéral de l'intérieur jusqu'à la réforme du fédéralisme de 2006. Depuis la compétence est passée aux Länder. La loi fédérale reste en vigueur partout où les Länder n'ont pas passé leur propre version (ce qui est le cas pour 13 états avec des exceptions en Bayern, Niedersachsen et Baden-Württemberg).

La loi de rassemblement fait une distinction entre les événements publics à ciel ouvert et ceux à intérieur dans des locaux formés. Dans la loi contre le déguisement il est constaté que pour les rassemblements à ciel ouvert et sur le chemin de celles-ci tout ce qui peut empêcher l'identification des participants est interdit. Il est ainsi interdit de s'habiller d'une façon qui empêche l'identification (peu importe si la dissimulation est intentionnelle ou non). Il est aussi interdit d'apporter des objets qui peuvent être utilisés afin d'empêcher l'identification (ici encore peu importe s'ils sont apportés intentionnellement ou non). Les événements religieux et les fêtes populaires traditionnelles sont exclues du champ de cette loi. L'autorité compétente (le ministère de l'intérieur du Land, effectivement la police) peut autoriser d'autres exceptions. Elle peut aussi donner des ordres afin d'assurer l'imposition de cette interdiction, plus concrètement elle peut exclure (en les arrêtant) les individus contrevenant à cette loi. La contravention est punissable par une détention d'un an au maximum ou une amende (au maximum 360 Tagessätze (le salaire net par jour), au minimum 5 Tagessätze).
Benjamin Preisler

Actualités du Bundestag

Feu vert pour une loi sur les tests génétiques
Avec le soutien des fractions de la CDU et du SPD - contre l’abstention du FDP et de la Linke et le rejet par les Bündnis90/Die Grünen, le Comité de la Santé publique a ouvert la voie à un projet de loi sur les tests génétiques humains (16/10532, 16/10582). Le projet de loi vise essentiellement à renforcer le droit à l’autodétermination dans les questions relatives à des examens génétiques humains et à empêcher tout abus dans l'usage des résultats de ces examens. Le projet prévoit ainsi que les examens génétiques ne puissent se faire sans l’accord du patient et qu'ils soient exclusivement pratiqués par un médecin. Si un examen permet de prédire l’état de santé de la personne vivante ou d'un enfant en gestation, la loi rend obligatoire une consultation médicale avant et après l’examen, afin d'informer le patient de toutes les options possibles dans sa prise de décision. D'après le texte, l’examen génétique prénatal ne doit avoir d'autres fins que médicales et d'autres buts que celui de rendre compte d'éventuelles risques sanitaires de l'enfant en gestation. Le texte prévoit également que les tests de paternité ne puissent être mené sans l’accord préalable du père et la pénalisation des tests effectués secrètement par une amende pouvant atteindre 5.000 Euro. Le projet de loi interdit par ailleurs strictement aux sociétés d'assurances d'exiger de leurs clients des examens génétiques, comme les employeurs ne peuvent l'exiger de leurs salariés. En revanche, les sociétés d’assurance devraient être informées des examens déjà effectués auparavant si ceux-ci révèlent des restrictions sanitaires qui atteignent une indemnité d'assurance minimum de 300.000 Euro.


Première consultation sur le projet de loi contre la pornographie enfantine
Lors d'une première consultation sur le projet de loi contre la pornographie enfantine le 6 mai au Bundestag, l'opposition a critiqué le projet du gouvernement. Le but de cette loi est d'amener tous les prestataires de services Internet à bloquer les sites Internet contenant des images de pornographie enfantine afin de rendre plus difficile l'accès aux sites incriminés. Contrairement au Danemark, l’Italie, la Norvège ou la Suisse, une telle législation n’existe pas encore en Allemagne. Unanime, le FDP, les Verts et la Gauche ont dénoncé l’inefficacité d'un simple blocage de tels sites, en se référant aux propos d'experts qui avaient mis en question la pertinence d'un simple blocage des sites sans que ces derniers soient effacés. Par ailleurs, l’opposition s’est montrée sceptique sur la conformité d'un tel projet de loi avec le droit constitutionnel. Le projet prévoit en effet une liste des sites à bloquer, qui serait composée par l’Office fédéral de la Police criminelle (Bundeskriminalamt, BKA). Les Verts dénoncent la non-transparence du projet.


Le Bundestag clôture l'expansion du réseau électrique à haute tension
Compte tenu de l'exigence du développement de l'énergie renouvelable, de l'augmentation des échanges transfrontaliers en électricité et le besoin en nouvelles centrales électriques, la grande coalition et l’opposition se sont, en deuxième lecture, entendues le 7 mai sur la nécessité d’agrandir le réseau d'électricité à haute tension en Allemagne. Le projet de loi de la grande coalition envisage l’établissement de six nouveaux tracés à haute tension d'ici 2015. Ces lignes sont prévues pour le transport entre nord et sud de l'Allemagne et auront l'avantage d’intégrer une part de 20% d’énergies renouvelables sans que cela ne se fasse au détriment du réseau électrique. Réunies lors d'une audition publique du Comité d’économie et de technologie au moins de décembre dernier, les compagnies d’électricité ont montrés leur désaccord sur le choix des conducteurs enterrés ou aériens. Quatre projets pilotes sont ainsi prévus qui utiliseraient des conducteurs à haute tension enterrés. Cette démarche est essentiellement celle des experts et des Verts, tandis que le FDP se montre sceptique sur ce sujet. La fraction Die Linke a souligné l'importance d’améliorer le réseau électrique de haute tension déjà existant avant de lancer de nouveaux projets.


Bilan du 1er mai au Bundestag
Dans une discussion extraordinaire (Aktuelle Stunde) sollicitée par la CDU/CSU et le SPD, le Bundestag a tiré le bilan des incidents et de la violence survenus lors de la journée du 1 mai dans plusieurs villes d'Allemagne. Le porte-parole de la CDU/CSU, Dr. Rolf Koschorrek, a exprimé sa compassion pour les 479 policiers blessés, saluant aussi leurs services rendus à la démocratie et l’état de droit. M. Koschorrek a appelé à ce que tous les moyens légitimes de l'Etat de droit doivent être utilisé afin de combattre le désordre extrémiste. Le Président de la Commission des Affaires intérieures, Sebastian Edathy (SPD), a souligné l’importance de la liberté d’association et de réunion, tout en estimant que suite à de tels évènements, une réflexion sur un renforcement des conditions légales d'exercice de ce droit aurait sa place. M. Markus Löning, député berlinois du FDP, a dénoncé une erreur de commandement des opérations menées à Berlin. Parmi les Verts, Hans-Christian Ströbele a attiré l’attention sur le nombre de blessés parmi les manifestants pacifiques mais aussi parmi les personnes n'ayant pas participées aux manifestations. Enfin, une représentante de la Linke, Dr. Gesine Lötzsch, a jugé l'agression par certains néonazis envers des manifestants pacifique scandaleuse.

Projet de loi sur la lutte contre la fraude fiscale
Lors de la séance du 7 mai, le Bundestag a discuté un projet de loi de la CDU/CSU et du SPD visant à empêcher le détournement d’impôts en Allemagne. Le texte veut obliger les contribuables qui maintiennent des relations d’affaires avec un pays qui ne sanctionne pas la fraude fiscale ou le détournement d’impôts à en informer les autorités allemandes. Si ces personnes ne sont pas disposées à coopérer et s’ils refusent de donner des informations, ils risquent alors des désavantages fiscaux. Le FDP a dénoncé le fait que le projet se préoccupait de certains paradis fiscaux ne figurant pourtant plus sur les listes de l'OECD. Les libéraux ont à cette occasion plaidé pour une grande reforme fiscale. La fraction de gauche a estimé que le gouvernement devrait avec ce projet de loi agir également contre la fraude fiscale à l’intérieur du pays. Enfin, les Verts ont dénoncé l'insuffisance de cette loi pour mettre fin à la fraude fiscale et ont proposé la mise en place d'une agence de recherche sur la fraude fiscale au niveau fédéral. Le parlement a envoyé le projet aux commissions pour délibération.

Wiebke Ewering

Journal interparlementaire V

Voici, la cinquième édition du Journal interparlementaire.

mercredi 29 avril 2009

La Gauche (Die Linke)

La Gauche (Die Linke) est devenue le mouton noir de la politique allemande depuis sa création avec la fusion entre la WASG (Wahlalternative Arbeit und soziale Gerechtigkeit – Alternative électorale travail et justice sociale) et le PDS (Partei des Demokratischen Sozialismus – Parti du socialisme démocratique). Dans le nouveau parti se réunissent des éléments très divers. Le PDS est directement issu du SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands – Parti socialiste unifié d'Allemagne) qui avait gouverné la RDA pendant toute son existence. Le PDS depuis la réunification n'avait trouvé de soutien électoral que dans les cinq nouveaux Länder à l'est de l'Allemagne. L'autre parti (la WASG) est issu des protestations contre les réformes sociales et les réformes du marché du travail initiées par le gouvernement Schröder (Agenda 2010, Hartz IV). La plupart des membres de la WASG venait d’Allemagne de l’Ouest et représente des syndicats, des groupuscules (Splittergruppen) communistes et des mouvements sociaux comme Attac.

La Gauche est toujours sous la surveillance de l'Office fédéral de protection de la Constitution (Bundesverfassungsschutz) ainsi que par la moitié de ses équivalents au niveau des Länder. Malgré les nombreuses prédictions des Cassandres entendues pendant sa fondation, la Gauche, sous la direction d'Oskar Lafontaine (ancien ministre du gouvernement Schröder, ancien Président du SPD, ancien Premier ministre de la Sarre et aujourd'hui Co-Président de Die Linke), a réussi à s'établir sur la scène politique allemande, étant élue au Parlement dans quatre Länder d'Allemagne de l’ouest et partout en Allemagne de l'est.

Pour les élections européennes la Gauche n'a gardé que deux de ses sept députés aujourd'hui au Parlement européen. En tête de liste se trouve Lothar Bisky, Co-Président du parti et ancien Président du PDS, suivi d'un équilibre qui a été difficile à établir entre hommes et femmes, Allemands de l’ouest et de l’est. En dépit de la rhétorique de Bisky (« La Gauche est pour l’Europe. Toute tentative de nous mettre dans une position anti-européenne serait futile. ») les grands perdants ont été les pragmatiques européens – les députés sortants André Brie et Sylvia-Yvonne Kaufmann – qui ne se sont pas opposés au Traité de Lisbonne contre lequel Die Linke a porté plainte devant le tribunal constitutionnel fédéral (Bundesverfassungsgericht). M. Brie et Mme Kaufmann ne se trouvent plus sur la liste électorale.

Dans son programme pour les élections européennes, Die Linke se positionne contre la politique de l'Union européenne d'aujourd'hui qui essaierait de réagir aux « conséquences inévitables de sa politique économique basée sur l'exploitation, sur le commerce injuste et sur la destruction de l'environnement avec une politique d'armement. » Cette politique serait ancrée dans le Traité de Lisbonne auquel le parti s’oppose. Au-delà de cette critique du contenu du Traité, Die Linke est contre sa ratification par les parlements nationaux. La voie référendaire lui semble en effet plus appropriée.

De plus, Die Linke demande un gouvernement économique de l'UE et une taxation européenne des grandes fortunes. Elle propose une modification de la charte de la Banque centrale européenne (BCE), ajoutant à la stabilité des prix un niveau de chômage maîtrisé et le développement durable. Le parti propose ainsi le remplacement du pacte de stabilité par un pacte de plein emploi, développement durable, sécurité sociale et protection de l'environnement. Enfin, Die Linke se prononce pour une Europe « structurellement incapable de guerres d'agression » et demande des lois assurant une société sans discrimination (sexuelle, ethnique ou religieuse).
Benjamin Preisler

L’Alliance 90/ Les Verts (Bündnis 90/ Die Grünen)


Histoire et évolution
En Allemagne, la fondation du parti Die Grünen (Les Verts) remonte aux années 70. En 1983, leurs premiers députés sont élus au Bundestag et les élections fédérales de 1987 marquent l’apparition du premier groupe parlementaire Vert. Lors des élections fédérales de 1990, le jeune parti ne franchit pas le seuil électoral (5%) et n’est alors plus représenté au Bundestag. En 1993, les Verts et l’Alliance 90, un rassemblement des groupes d’opposition et des mouvements civiques alternatifs de l'ex-RDA, décident de fusionner en vue de la prochaine élection fédérale et se nomment alors les Verts. De 1998 à 2005, le parti forme la coalition gouvernementale rouge-vert (rot-grüne Koalition) avec le SPD.

Au niveau européen, les premiers eurodéputés Verts, neuf au total dont sept Allemands, sont élus en 1984. C’est aux élections européennes de 1989 que les partis écologistes européens obtiennent un nombre de voix suffisant pour former le premier groupe des Verts au Parlement européen. Le groupe compte alors 30 membres, dont huit Allemands. Lors des élections européennes de 1994, le parti des Verts européens n’obtient qu’un score de 23 sièges, cependant les Verts allemands affichent un score record avec onze élus. Aux élections suivantes, ils représentent 7 des 48 membres du groupe. Dans l’actuelle législature européenne, le groupe des Verts compte 43 eurodéputés, dont 13 Allemands.

Les candidats en tête de liste
Les Verts allemands ont misé sur une combinaison de nouveaux visages et de personnalités politiques connus pour leur campagne. Les candidats de tête sont Rebecca Harms, vice-présidente du groupe des Verts au Parlement européen et Reinhard Bütikofer, ancien président des Verts allemands. Parmi les autres candidats en tête de liste figurent d’autres responsables politiques connus, mais relativement nouveaux sur la scène européenne. Il s’agit notamment d’un des co-fondateurs allemands d'Attac, Sven Giegold et de l’ancienne secrétaire générale d’Amnesty international, Barbara Lochbihler. En revanche, d’autres personnalités du parti ne figurent qu’en fin de liste, ce qui rend leur réélection difficile. C’est par exemple le cas de la députée européenne Hildtrud Beyer, qui figure cette année en 15ième position et de Gisela Kallenbach, qui occupe la 7ième place.

Programme électoral
Les 28 et 29 mars 2009, les partis écologistes européens ont officiellement adopté leur programme électoral sous le slogan « Un New Deal vert » mariant l’économie et l’environnement. Lors de la conférence des délégués des Länder fin janvier 2009, les Verts allemands s’étaient mis d’accord sur un programme électoral et leur slogan « Mit WUMS für ein besseres Europa » (« Un boum pour une meilleure Europe ») ; « WUMS » désignant leurs priorités : Wirtschaft (économie), Umwelt (environnement), Menschlich (humain) et Sozial (social).

La protection du climat et les énergies renouvelables est l’un des sujets prioritaires. Le parti revendique une réduction des gaz à effet de serre de 80 à 95% par le passage complet aux énergies renouvelables d’ici 2040. Pour atteindre cet objectif, ils proposent une Communauté européenne pour les énergies renouvelables (ERENE). Le parti exige aussi l’abandon du nucléaire dans l’ensemble de l’Europe. Leur principal argument pour une nouvelle politique énergétique est une sécurité énergétique renforcée qui abolirait la dépendance des pays producteurs du charbon et du pétrole et qui diminuera les risques nucléaires.

La question d’une Europe sociale et équitable est le deuxième grand sujet du programme. Le parti cherche à imposer un pacte social européen et plaide pour l’introduction d’un salaire minimum dans chacun des pays membres ainsi que pour la protection des droits des travailleurs par l’Union Européenne. Les Verts revendiquent l'introduction de quotas dans les secteurs dominés par les hommes et la parité des salaires homme-femme. Ils se prononcent également en faveur d’une harmonisation des politiques fiscales et d’une régulation plus sévère des marchés financiers à l’échelle européenne. D’après leur programme, les Verts encouragent la promotion active de l’éducation et de la recherche.

Dans le domaine des droits civiques, le parti écologique propose un droit de vote aux élections nationales pour les gens habitant plus de cinq ans dans un autre pays membre. D’une manière générale, ils se prononcent pour davantage de référendums et de plébiscites européens. Ils ambitionnent de renforcer la protection des données et la défense du consommateur. Sur le plan de la politique extérieure et géopolitique, les Verts exigent une politique d’immigration et d’asile favorisant une immigration légale et durable qui limiterait en même temps la fuite des cerveaux. La prévention des crises et la résolution civile des conflits dominent la politique de sécurité et de défense et le parti aimerait établir une Agence de la paix. Les Verts défendent la perspective d’une adhésion de la Turquie à l'Union.

En ce qui concerne le processus de réforme de l'Union Européenne, les Verts allemands considèrent que le Traité de Lisbonne est un élément indispensable pour rendre l’Union davantage démocratique et capable d’agir. En cas d’échec aux élections, le parti souhaite organiser un référendum européen sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et tient à établir une véritable Constitution européenne, avec un texte fondamental allégé, concentré sur les valeurs, les objectifs, les droits fondamentaux, les symboles et le statut des institutions de l’Union.
Wiebke Ewering

Le FDP


Le parti libéral-démocrate (FDP) est historiquement un parti gouvernmental en Allemagne. Il a participé au gouvernement de 1949 à 1998 avec seulement deux courtes exceptions (1956-1960 et 1966-1969). Depuis, il a eu du mal à trouver sa place dans l'opposition, errant entre l'image d'un parti « à l'air cool » (Spaßpartei) et sa concentration naturelle sur le champ économique. Comme pour les dernières élections fédérales, il semble être le partenaire naturel et probable du CDU/CSU. Dans les sondages récents, il dépasse facilement les deux autres partis sectoriels (Die Linke et Bündnis 90/Die Grünen) pour les élections fédérales en rassemblant environ 15% des voix. La première élection de cette année chargée des élections (Superwahljahr) en Hesse lui a déjà apporté un grand succès, la réélection du Premier ministre (Ministerpräsident) Koch (CDU) étant assurée seulement par sa croissance électorale.

Pour les élections européennes, le FDP a gardé l'équipe qui l'avait rétabli au Parlement européen en 2004 après un hiatus de dix ans. Des sept députés aujourd'hui membres du Parlement, six ont été de nouveau placés en tête de sa liste. Silvina Koch-Mehrin est la première, suivie par Alexander Lambsdorff et Jorgo Chatzimarkakis, tous les trois étant élus avec des résultats presque staliniens (95%, 96% et 90%).

Pour élaborer son programme, le FDP a expérimenté un débat interactif, qui n'a été un succès que dans les domaines de prédilection du parti: la politique étrangère et économique (au regard du nombre d'interventions). Ein Europa der Freiheit für die Welt des 21. Jahrhunderts (« Une Europe de liberté pour le 21e siècle ») met surtout l’accent sur la critique constante du sur-règlement : « Nous ne voulons pas une Union européenne qui est un monstre de la bureaucratisation et qui élabore des lois régissant la vie quotidienne. » L'importance de la subsidiarité est soulignée, en lien avec cette demande de dérégulation. De plus, le FDP veut davantage de démocratie à l'échelle européenne, incluant des référendums (un sujet sensible en Allemagne à cause des expériences populistes des années 1930) et soutient la responsabilité du Parlement européen en matière des droits de citoyens, de la protection des données, des migrations et des questions judiciaires en général. Le FDP voit ces demandes satisfaites par le Traité de Lisbonne qui démocratiserait le processus de décision de l'Union européenne. C’est essentiellement pour cette raison que le parti soutient ce traité.

En outre, le programme prend position contre une taxation au niveau européen (EU-Steuer) et pour le maintien de l'interdiction de dette à l'échelle européenne. Le FDP se prononce pour une Europe sociale basée sur les principes d'économie de marché (soziale Marktwirtschaft) sous la responsabilité des Etats membres – s’opposant à toute tentative de gouvernement économique ou social de l'Union européenne.

Concernant l'élargissement de l'Union européenne, le FDP considère nécessaire une réforme institutionnelle de l'UE avant que des Etats autres que la Croatie (et l'Islande, la Norvège et la Suisse en cas où elles voudraient) puissent adhérer. Le parti ne s'oppose fondamentalement ni à l'adhésion de la Turquie, même s'il met accent sur l'importance des réformes en Turquie ainsi qu'au niveau européen, ni à celle de l'Ukraine (« à long-terme »). Enfin, le FDP insiste sur l'importance du pacte de stabilité et croissance, demandant des sanctions automatiques en cas de non-respect, et déplore les dépenses excessives causées par la « caravane » (Reisezirkus) superflue entre les deux sites du Parlement.
Benjamin Preisler

Le SPD


Né de la réunion de deux partis ouvriers fondés dans les années 1860, le Parti social-démocrate d’Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD) se nomme ainsi depuis 1890. Il est l’un des plus vieux partis d'Allemagne, et le seul des grands partis actuels datant d’avant 1945. Aux dernières élections européennes de 2004, le SPD a obtenu 21,5% des voix. Jamais dans l'histoire de la RFA, le score des sociaux-démocrates à des élections à l'échelle nationale n'avait été aussi mauvais. La campagne électorale pour les européennes de 2004 fut dominée par des sujets nationaux, notamment par l'impopularité du gouvernement Schröder. Comme les élections européennes de 2009 auront lieu seulement quatre mois avant les élections législatives allemandes, il est peu probable que la campagne électorale se concentre sur des questions européennes. Néanmoins, le parti social-démocrate s'est doté d'un programme explicitement européen pour les élections, l'Europamanifest. Même si, bien sûr, ce manifeste reprend aussi des éléments du programme du parti pour les législatives, comme par exemple la revendication d'un salaire minimum.

Au cœur de l'Europamanifest du SPD se trouve l'idée d’une Europe sociale. Le parti social-démocrate veut donner la primauté aux choix politiques sur la logique du marché, à la justice sociale sur la libéralisation et la déréglementation. Concrètement, le manifeste du SPD propose de compléter l'Union économique et monétaire européenne par une Union sociale. Au Pacte de stabilité et de croissance, qui sert à coordonner les politiques budgétaires des pays de la zone euro, devrait se rajouter un Pacte de stabilité sociale, avec des buts communs pour les dépenses des différents pays dans le secteur social et celui de l'éducation. En outre, l'Europe sociale qu’envisage le SPD sera caractérisée par la fixation de salaires minimums dans tous les pays de l'Union Européenne, ainsi qu'une extension du droit de participation des salariés aux décisions des entreprises.

Si la formule « pour une Europe sociale » n'est que le premier de six slogans du manifeste du SPD, les cinq autres se rassemblent majoritairement autour de l'idée d'une réponse socialement supportable à la crise financière et économique. Ainsi, le SPD plaide pour une Europe de l'emploi, de la croissance qualitative et du progrès écologique (n° 2) ; pour une nouvelle architecture financière européenne et internationale (n° 3) ; et pour une mondialisation juste et sociale (n° 6). Seuls deux points renvoient à d'autres sujets : n°4 à la diversité et aux droits du citoyen, n°5 à la puissance de paix que doit être l'Union européenne.

Quant aux personnes qui défendront ce manifeste au sein du Parlement européen, le SPD choisit de faire confiance à des hommes et femmes politiques expérimentés. Martin Schulz sera à la tête de la liste sociale-démocrate, suivi par Evelyne Gebhardt, Bernhard Rapkay und Jutta Haug, qui sont tous députés européens depuis plusieurs années. M. Schulz a 52 ans, est député européen depuis 1994 et fut élu à la tête de la liste avec un score de rêve de 99,2%, lors des assises du SPD pour les européennes en décembre 2008. Il est président du groupe politique du Parti des socialistes européens (PSE) au Parlement depuis 2004. M. Schulz avait fait les gros titres de la presse européenne en 2003, quand Silvio Berlusconi lui avait offert un rôle de « Kapo » (un prisonnier chargé de surveiller les autres prisonniers dans les camps de concentration) dans un film en tournage en Italie. Schulz avait mis en cause la probité de Berlusconi, à l’époque président du Conseil européen, lors d’une séance plénière du Parlement européen. Mme Gebhardt pour son partie a été la rapporteuse de la directive Bolkestein.
Sebastian Schindler

L'Union (CDU/CSU)


L'Union, consistant du parti conservateur allemand l’union chrétienne-démocrate (CDU), actuel parti au gouvernement et par ailleurs majoritaire dans 13 des 16 Länder, et son parti frère de Bavière, l’Union chrétienne-sociale (CSU), est le seul parti qui se présente aux élections européennes sur des listes séparées à l’échelle des Länder, chacun ayant aussi son propre programme électoral. (CDU, celui de la CSU sera approuvé le 9 mai lors d'un congrès du parti).

Les candidats
La CDU possède actuellement 40 sièges au Parlement européen, et la CSU 9. La première ayant obtenu un score de 36,5% des voix aux dernières élections et la CSU un score de 8%. La CSU ne se présente qu’en Bavière, où elle doit franchir le seuil fédéral de 5% afin de s'assurer des sièges à Strasbourg et Bruxelles.

La plupart des candidats chrétiens-démocrates en tête de liste sont déjà connus sur la scène européenne. Parmi eux figure par exemple Hans-Gert Pöttering, l’actuel Président du parlement européen et eurodéputé depuis 1979 et tête de liste en Basse-Saxe ainsi que Elmar Brok, l’ancien négociateur parlementaire des traités européens de Maastricht à Lisbonne et candidat dans la région de Rhénanie du Nord-Westphalie. A la suite d'une réunion de mi-février dernier, le présidium et le directoire fédéral de la CDU ont pro forma nommé Hans-Gert Pöttering candidat de tête du parti, même s’il n’y existe aucune liste fédérale.

La CSU de son coté aussi mise sur des visages connus – au premier Markus Ferber, eurodéputé depuis 1994. Le Souabe est à la tête du groupe européen des chrétiens-sociaux. La nomination des candidats a suscité de vifs débats au sein du parti, en particulier celle de Monika Hohlmeier, ancienne ministre bavaroise de la culture et impliquée dans une affaire de fraude aux élections internes du parti (Münchener CSU-Affäre). Sa nomination, réclamée par Horst Seehofer, l'actuel chef du parti, a provoqué de nombreuses critiques, voire la démission de certains membres du parti.

Programme électoral
La mésentente entre les partis frères conservateurs était moins liée à la nomination des candidats qu'à l’orientation de leurs programmes. Même si les différences portent essentiellement sur des points de détail, les partis ont choisi, comme ce fut déjà le cas en 2004, de se lancer dans deux campagnes électorales et de supporter chacun leur programme. La chancelière Angela Merkel (CDU) a annoncé cependant une campagne conjointe des deux partis pour l’appel aux urnes à partir du 25 mai.

Les différences de programme portent sur la question constitutionnelle et celle des référendums à l’échelle de l'Union européenne. Contrairement à la CSU, la CDU tient à l’objectif de long-terme d’établir une constitution européenne et se prononce contre l’introduction des référendums sur des questions européennes; des questions, qui, d’après les chrétiens-démocrates, relevaient des parlements nationaux. Par ailleurs, la CSU souligne les particularités bavaroises et la nécessité de renforcer le poids des régions au sein de l'Union européenne.

Les deux partis estiment cependant qu'une « Europe puissante » est la première condition pour une croissance, la prospérité et la sécurité sociale en Allemagne. Ils plaident pour des minimums sociaux communs mais rejettent l’harmonisation totale des politiques sociales des pays membres, craignant une baisse du niveau social allemand. La CDU tient au strict respect du principe de subsidiarité.

Dans l’ensemble, la CDU/CSU exige le renforcement de la coopération européenne, en particulier dans les domaines de l'environnement, de la politique étrangère et la sécurité intérieure. Ils souhaitent entre autres donner de nouvelles compétences à Europol telle que l’autorisation de mener ses propres enquêtes. La CDU/CSU soutient l'augmentation des réformes du secteur des marchés financiers et plaide pour l'établissement d’une nouvelle instance de contrôle financière à l'échelle communautaire.

Concernant le processus d'élargissement de l’Union européenne, les deux partis conservateurs revendiquent la nécessité d'une « phase de consolidation » et d'une pause - après l’adhésion de la Croatie. Favorables à une adhésion future de l’Albanie, la Macédoine et la Serbie, ils se prononcent pour un partenariat privilégié avec la Turquie.

Enfin, dans le cas d'une victoire aux prochaines élections européennes, l'Union chrétienne revendique le droit de nommer le commissaire allemand et est favorable à un deuxième mandat pour l'actuel Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Wiebke Ewering

Les élections européennes – Introduction

Les élections européennes en Allemagne souffrent, comme partout en Europe, d'un manque d'attention médiatique et populaire. Moins de 50% de la population allemande sait que ces élections auront lieu cette année et seulement 43% a l'intention de voter, ce qui reste quand même au-dessus de la moyenne européenne (Spiegel). La participation, en régression constante depuis les premières élections, de 62% en 1979 à 47% en 2004, suscite tant de souci que le Parlement européen vient d'inaugurer une campagne de publicité et que la Commission européenne a demandé aux chaînes de télévision publique de diffuser gratuitement des publicités politiquement neutre afin de motiver les citoyens européens à participer aux élections (EurActiv). Les élections étant secondaire pare rapport aux élections nationales, il est peu surprenant que la politique nationale détermine largement son résultat (EurActiv).

En ce qui concerne le scrutin, les élections en Allemagne, d'une façon surprenante plus centralisées qu'en France, sont basées sur des listes nationales des partis. L'Union (CDU/CSU) devrait remporter les élections avec un score de 34,8%, devant le SPD qui devrait atteindre 30% des suffrages. Ces résultats constitueraient une progression (+8,5%) pour le SPD et une régression pour l'Union (-9,7%). La progression des voix du SPD semble surprenante mais s'explique par la situation catastrophique du SPD handicapé par l'impopularité du gouvernement Schröder lors des dernières élections européennes de 2004. Derrière ces partis prépondérants (Volksparteien) se rangent le FDP (11% soit une progression de 4,9%), Bündnis 90/Die Grünen (11%, une perte de 0,9%) et Die Linke (9,1%, alors +3%) (source). Ni les partis d'extrême droite, ni le Freie Wähler, qui ont largement contribué à la perte de la majorité absolue de la CSU en Bavière en 2008, ne devraient approcher le seuil de 5%.

L'absence d’un véritable parti souverainiste ou eurosceptique en Allemagne est un phénomène presque unique en Europe. Aucun des partis au Bundestag ou représentant l’Allemagne au Parlement européen ne demande un départ de l'Union européenne.
Benjamin Preisler

Journal interparlementaire IV

Voici, la quatrième édition du Journal interparlementaire. Elle se concentre sur les partis allemands se présentant pour les élections européennes.

mardi 14 avril 2009

Le « modèle allemand » à l'exportation : pourquoi l'Allemagne exporte-t-elle tant ?

Dans une note du Comité d'études des relations franco-allemands (Cerfa) de l'Institut français des relations internationales (Ifri), Hans Brodersen essaie d'explorer pourquoi l'Allemagne a décroché le titre de « champion du monde de l'exportation » (Exportweltmeister) de 2003 à 2008. Même si cette position doit sans doute être considéré différemment à cause de la crise, l'espoir en Allemagne, souligné de nouveau par la chancelière il y a deux semaines, est que cette force particulière aidera à sortir le pays de la récession.

Les exportations allemandes représentent 44,9% du PIB dépassant largement celles de la France (26,5%), aux Etats-Unis (11,1%) ou même en Chine (39,8%). Ces dernières années l'Allemagne a réussi à stabiliser sa part dont le commerce mondial en contraste avec les autres anciens pays industrialisés qui ont régressé. Une analyse comparable est possible en terme de désindustrialisation où la position de l'industrie allemande s'est consolidé d'une manière atypique.

L'auteur met l'accent sur l'importance ddu développement du libre-échange après 1945 ainsi que sur le marché unique, même si évidemment ces deux aspects ne sont pas uniquement allemands. La position forte de l'Allemagne est plus manifeste chez les nouveaux membres de l'UE. L'Allemagne a profité de cette ouverture de ses voisins naturels en y investissant, sur un terrain déjà préparé (plus de 50% des élèves en Europe de l'est apprennent allemand à l'école), plus que la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis réunis.

Une différence importante entre la France et l'Allemagne est le nombre des entreprises de plus de 250 salariés (5000 en Allemagne, seulement 2000 en France). Pour la plupart ces entreprises sont les PME (Mittelstand) spécialisées et innovatrices qui contribuent largement à la position parmi « les leaders mondiaux dans de nombreux secteur des « technologies d'application » (Anwendungstechnologien) » en terme des brevets déposés.

La tenue des salons et des foires outre-Rhin est aussi un élément important. Les grands sites d'exposition (couverts d'au moins 100 000m²) totalisent 2,1 millions m² au monde. Il y en a 9 en Allemagne qui représentent 30% de l'offre mondiale. En comparaison, il n'y en a que 3 en France pour 336 586 m², soit 4,7% de l'offre mondiale. L'organisation des salons professionnels n'est pas seulement un savoir faire qui s'exporte, elle sert aussi de multiplicateur important et international pour les PME qui ne sont pas nécessairement déjà présentes à l'étranger.

Dernièrement, la hausse des salaires en Allemagne depuis la réunification a été beaucoup moins prononcée que dans les autres pays de la zone euro, faisant de l'Allemagne le plus grand bénéficiaire de la monnaie commune.

Broderson essaie aussi de trouver une constante dans l'histoire allemande d'une économie basée sur les exportations. Cette constante convainc peu et semble peu pertinente vu le nombre de clivages importants au 20e siècle et la mondialisation actuelle, peu comparable même avec celle d'avant 1914.

Il reste à déterminer quel effet le récession mondiale aura sur le modèle allemand, même s'il semble évident que le marché intérieur inévitablement devra gagner en importance afin de compenser les déséquilibres mondiaux, à court terme il est bien possible que l'économie allemande cherche de nouveau à se baser sur une croissance liée aux exportations.

Benjamin Preisler

Le président du Bundestag Norbert Lammert sur le futur du parlementarisme

Selon le président du Bundestag Prof. Dr. Norbert Lammert (CDU), le public a pris conscience de l’importance de la politique en temps de crise. Dans une interview avec l’hebdomadaire « Das Parlament » à l’occasion du 60ème anniversaire du Bundestag, il explique qu'après une « expérience choquante » on redécouvre le caractère indispensable des règlements et cadres étatiques. M. Lammert s'est aussi prononcé sur le développement du système démocratique et le parlementarisme ainsi que sur le futur de l’Union européenne.

Monsieur le Président, est-ce que vous partagez l’impression que le Bundestag subit le même sort que les églises : On ne se rend compte de son importance qu’en période de crise ?
Pour répondre je citerai cette phrase pertinente de Henry Kissinger : On s’aperçoit le mieux de la valeur accordée aux personnes et aux institutions lorsque l'on réfléchit à ce qu'ils vaudraient s'ils n'existaient plus.

Cette phrase s’applique-t-elle actuellement en particulier aux institutions politiques?
Le public a redécouvert l’importance de la politique, notamment en temps de crise. D’abord il y avait un grand enthousiasme pour évincer l’intervention politique en particulier dans le domaine économique, en supposant que la productivité ne pourrait atteindre son summum qu'en l'absence de réglementations limitatives. Aujourd'hui, après une expérience choquante et dramatique, on redécouvre le caractère indispensable d'une régulation étatique (Rahmenordnung).

Il semble cependant exister une divergence entre l’enthousiasme pour certaines structures et l’estime pour le système politique dans sa globalité ?
Nous avons depuis longtemps une grande estime pour la démocratie en tant que système politique, pour la constitution étatique de notre société. En même temps, on s’aperçoit d’une tendance claire montrant une baisse de confiance dans l’efficacité des institutions dans le fonctionnement de la vie politique. On ne peut pas encore suffisamment répondre à la question de savoir si la manière dont le parlement et le gouvernement gèrent la crise mène à un changement de cette perception.

N’est-ce pas néfaste pour le système démocratique de voir que les citoyens ne l'apprécient que lorsque tout va bien ?
Je le formulerais à l’envers : L’enthousiasme pour les institution est évidemment plus grand quand l'économie, les revenus et le patrimoine croissent que lorsque l'on se trouve dans une situation de stagnation ou même de récession. Cela n’est pas surprenant. Il y existe une acceptation de l’ordre politique et économique, incontesté en dépit de ces expériences. Quant au jugement critique sur le fonctionnement concret c'est pour moi l'indice d'une capacité de jugement solide.

Est ce que l’insatisfaction du fonctionnement concret a un lien avec la grande coalition ? N'est-elle pas un facteur de paralysie ?
D’après mes observations, les conclusions attachées à cette coalition sont exagérées. Je suis d'accord en ce qui concerne le transfert souvent critiqué de la prise de décision dans des comités ou commissions, mais cela n'a rien à voir avec la grande coalition. J’appartiens au Bundestag depuis presque trente ans et je peux affirmer que cela a toujours été comme ça - avec toutes les coalitions. Et pour cela il y a évidemment des bonnes raisons.

On anticipe alors sur des décisions du parlement ?
En effet, comment effectuer une délibération soigneuse, quand le tri des arguments se fait sur la place publique ? Il serait problématique de priver les commissions de décisions sur lesquelles elles devraient statuer. Mais cela ne peut pas être question aujourd’hui autant qu’autrefois. Seule une décision du Bundestag peut conférer force de loi.

Mais beaucoup de décisions tombent au comité de conciliation.
Non, le comité de conciliation prépare également des amendements qui apportent beaucoup aux lois adoptées par le parlement, sinon le comité ne serait pas saisi. Le résultat de la conciliation passe en force de loi quand le Bundestag et le Bundesrat l’adoptent. Le comité de conciliation n’adopte rien.

Existe-t-il des fausses conceptions ? Les citoyens voient une salle de séance vide et en tirent la conclusion que des décisions importantes ne sont pas prises au Bundestag.
Les parlements sont pleins là où ils n’ont rien à dire. Quand la Chambre du Peuple (Volkskammer) de la RDA ou le Soviet suprême siégeaient c’était plein à craquer - mais cela ne signifiait rien. En revanche, les parlements puissants sont caractérisés par leur fragmentation des tâches.

C’est à dire ?
En général, la présentation d’un projet de loi ainsi que les objections sont opérées par les collègues spécialisés dans les domaines concernées. Sur leurs recommandations, les fractions votent pour ou contre le projet de loi en question. Il est insignifiant pour le résultat du fait (Sachverhalt) que les autres 500 députés non directement impliqués soient physiquement présents à cette séance plénière ou pas, mais signifiant pour l’apparence. Normalement, la délibération a lieu dans les séances de groupes parlementaires et non en séance plénière. Même si le spectateur est peu satisfait par ce fait : c’est la pratique éprouvée. D’ailleurs, on peut faire la même expérience au Congrès américain, à la Chambre basse britannique ou à l’Assemblée nationale française.

Une possibilité de rendre le travail du Bundestag plus transparent serait d’avoir des réunions de commission publiques.
Je suis réticent à une telle solution générale. Premièrement, notre règlement prévoit la possibilité de réunions ouvertes ; deuxièmement on recourt à cette possibilité plus souvent que par le passé. Troisièmement, un raisonnement au cas par cas me semble être raisonnable. Je ne suis pas favorable à l’ouverture général des réunions de commissions puisque - et il ne faut pas avoir beaucoup de fantaisie pour le prédire - cela mènerait à des mini séances plénières dans lesquelles la tendance à parler pour les téléspectateurs pèse plus lourd que l’intérêt de trouver des solutions solides. C’est en cela que se trouve la valeur de la répartition du travail entre plénum et commissions. En effet, après une séance, le plénum transfère les projets de loi et d’autres actes aux commissions afin qu’ils soient révisés avec plus de temps et de quiétude afin d'aboutir à une proposition de résolution qui est traitée et adoptée de nouveau en séance plénière.

Est ce que le droit électoral réussi à reproduire la réalité politique ?
Dans le cadre de notre droit électoral nous avons vécu des changements considérables de notre système de partis ainsi que la représentation parlementaire. Cela est un fort indice que le droit électoral n’influence pas le comportement électoral mais qu'en revanche le comportement électoral influence les rapports politiques.

Pourtant il y a sans cesse des revendications pour une modification du système de droit électoral.
Il y a une série de modifications concevables sans qu’elles soient indispensables, à mon avis. Un élargissement de la législature du Bundestag à 5 ans me semble convaincant et utile - également en se basant sur notre expérience que l’enthousiasme pour les élections n’est pas nécessairement corrélé avec des élections rapprochées. Là, où se trouvent des problèmes dans notre droit électoral, par exemple les mandats supplémentaires (Überhangsmandate), je recommande des modifications le plus vite possible.

A-t-on besoin de plus de participation des citoyens - plus de démocratie directe ?
Envisager des décisions référendaires plutôt que le vote des représentants me semble partir d'une bonne intention, mais cela n’est pas vraiment réfléchi au vu des questions de plus en plus compliquées. Pour la République fédérale, quelles décisions cadres (Richtungsentscheidung) auraient été rendues possibles par un référendum ? La décision pour l’économie de marché ou pour l’adhésion à l’OTAN, la reconstruction du Bundeswehr ou l’introduction de l’Euro avec l’abolition du D-mark ? La vue sur 60 années accomplis par notre République est l’occasion de remercier les représentants pour leurs sages décisions prises par moments contre la majorité des citoyens. D’ailleurs, il faut savoir qu’on ne peut jamais identifier les responsables pour les décisions d’un référendum en revanche cela fonctionne toujours pour les décisions parlementaires.

Beaucoup de personnes se préoccupent de la perte de compétence du Bundestag au profit de Bruxelles. Partagez-vous ce souci ?
Rien de ce qui est décidé au niveau européen au lieu du niveau national n'a privé illégalement les états membres de leur droit ou prérogatives. Tout ce qui est négocié et décidé aujourd’hui au niveau européen résulte du transfert volontaire de la souveraineté nationale à la Communauté européenne. Nous le savions et nous savons pourquoi il y a certains domaines qui doivent être réglés au niveau européen plutôt qu'au niveau national. C’est parce que nous sommes convaincus que les mesures le plus convaincantes peuvent être prises de cette manière - notamment sur le plan de l’immigration, de l’environnement et de plus en plus aussi sur le plan de l’énergie.

Il y a des calculs disant qu'environ 80% des lois proviennent de Bruxelles.
Ces chiffres médiatisés sont erronés, c’est prouvé et en plus ils ne font pas la différence entre des décisions essentielles et ordinaires. Il est ridicule de prendre en compte de la même manière par exemple une modification de la constitution et la 27ième régulation concernant le règlement du prix du lait. Comme nous avons transféré des compétences volontairement à la Communauté il nous importe beaucoup que le processus décisionnel soit plus parlementaire. C’est la raison pour laquelle le traité de Lisbonne prévoit la consolidation du Parlement européen et des parlements nationaux dans la prise de décision européenne.

Le traité de Lisbonne prévoit la possibilité d'un recours à la subsidiarité pour les parlements. Dans un délai de huit semaines les parlements des États membres ne doivent pas seulement trouver une décision sur cela mais il leur faut s’accorder entre eux. Cela ne semble pas très réaliste.
Cette réglementation, je ne la prends pas pour un véritable levier pour équilibrer les compétences nationales et européennes. Sans doute, le renforcement des droits décisionnels et de contrôle des parlements nationaux sur leurs gouvernements respectifs est beaucoup plus important. C’est la tâche des parlements nationaux de surveiller leurs gouvernements et de vérifier comment celui-ci se comporte à Bruxelles en ce qui concerne les projets, les contenus et l’adoption des initiatives. Les parlements nationaux ne concurrencent pas le Parlement européen. Leur tâche consiste dans le contrôle et - s’il est nécessaire - dans le encadrement de leur gouvernement au fil du processus décisionnel européen.

Le Bundestag coopère étroitement avec les parlements polonais et français. En quoi consiste-il la différence entre les deux partenariat ?
Durant des dizaines d'années, l’Allemagne et la France partagent un rôle commun dans la Communauté européenne, et ils s’entendent comme des pays responsables pour le processus de décision européen. L’Europe dans le sens de la Communauté européenne n‘était pas possible sans la réconciliation franco-allemande et leur partenariat. En revanche, le rôle de la Pologne, ainsi que des autres pays d’adhésion, diffère naturellement, et en raison de leur histoire et en raison de leur économie. Et je trouve remarquable que les relations germano-polonaises se soient intensifiées d'autant plus que les relations franco-allemandes en jugeant le nombre des rencontres conjointes des parlementaires, des commissions et des présidences. On pourrait dire que l’intégration de la Communauté élargie en Europe occidentale échouera sans la coopération intensive de l’Allemagne et la Pologne.


Traduit de l'allemand et rédigé par Wiebke Ewering
Version allemande par Susanne Kaulitz et Sebastian Hille sur le site web du Bundestag et dans le hebdomadaire DAS PARLAMENT No 15-16 (06.04.2009)

De l'intégration

Presque 20% de la population allemande, soit 15 millions d'habitants, est issue de l'immigration. En chiffre absolu, l'Allemagne occupe donc le premier rang en Europe. Le Berlin-Institut pour la population et le développement a publié une étude sur la question de l'intégration de cette part importante de la population, intitulée « Des potentiels inutilisés – De la situation de l'intégration en Allemagne » (Ungenutzte Potentiale – Zur Lage der Integration in Deutschland). Ces résultats étaient qualifiés de « dramatiques » par la chargée de l'intégration du gouvernement fédéral, Maria Böhmer (CDU).

Les auteurs de l'étude ont créé un « indice d'intégration » afin d'examiner si l'intégration de huit groupes d'origines géographiques différentes est réussie. 20 indicateurs mesurent le degré d'assimilation (par exemple la naturalisation et les mariages avec des Allemands), le niveau d'éducation, le succès professionnel et la protection sociale des immigrés et de leurs descendants. Une intégration réussie est définie comme le rapprochement des conditions de vie des personnes issues de l'immigration avec les conditions de vie des autres habitants.

En moyenne, l'intégration la plus aboutie concerne les quatre millions de rapatriés (Aussiedler) originaires surtout de l'Europe de l'Est et les deux millions d'immigrés originaires des Etats membres de l'Union européenne (à l'exception de l'Europe du Sud). Ces deux groupes sont arrivés en Allemagne avec un niveau d'éducation élevé et ont en général peu de problèmes pour trouver un emploi.

Mais, les personnes issues de l'immigration de l'ex-Yougoslavie, de l'Afrique et surtout de la Turquie ont beaucoup plus de problèmes pour s'intégrer. Même si presque la moitié des 2,8 millions d'habitants d'origine turque est née en Allemagne, le niveau d'éducation reste faible. 30% d'entre eux n'ont aucun diplôme scolaire, et seulement 14% ont le baccalauréat (Abitur). C'est pourquoi souvent ils n'arrivent pas à trouver un emploi.

En général, l'intégration est meilleure dans les régions où le marché du travail est bien développé. Les Länder de Hesse et de Hambourg et les villes de Munich, Francfort, Bonn ou Düsseldorf figurent ainsi parmi les premiers dans l'indice d'intégration, tandis que le Land de la Sarre et les villes de Duisburg, Dortmund ou Nuremberg occupent les derniers rangs.

Cependant, même dans les régions les plus avancées, le taux des personnes issues de l'immigration au chômage ou dépendant des prestations sociales est deux fois plus grand que celui des autres habitants. L'étude conclut sur l'urgente nécessité de faire aboutir trois chantiers : offrir aux personnes issues de l'immigration une meilleure intégration au système éducatif, faciliter leur accès au marché du travail et rendre plus facile leur naturalisation.

Sebastian Schindler



Journal Interparlementaire III


Voici, la troisième édition du Journal interparlementaire.

mercredi 1 avril 2009

Lectures II - JIP 2

Globale Ordnungspolitik am Scheideweg – Eine Analyse der aktuellen Finanzmarktkrise

La crise financière, depuis qu'elle montre ses effets sur l'économie réelle, est comparée souvent avec la grande dépression des années 1930 en termes de dangerosité et de force. En février 2009 La fondation économie et politique (SWP) a publié une analyse (La politique d'ordre mondial à la croisée des chemins – Une analyse de la crise financière) profonde et variée de cette crise. Dans cet œuvre de 16 chapitres des auteurs différents décrivent les effets de la crise sur une sélection de pays et de champs politiques.

La montée rapide du nombre de chômeurs dans le monde industrialisé ces derniers mois est le signe le plus fort de la crise, nommée « grande récession » (the great recession) par Paul Krugman entre autres. Le FMI prévoit une contraction économique en Europe et aux Etats-Unis. Dans cette situation, la politique keynésienne de croissance économique étatique est revenue à la mode. Le danger ici est que la concentration sur le redémarrage économique mène à une concentration exclusive sur le court-terme. Le manque d'investissements à long-terme dans la recherche, l'environnement, l'énergie et la sécurité d'alimentation, craint par des chercheurs, peut avoir un impact fatal.

La crise fait apparaître un paradoxe majeur. Révélatrice de l'interdépendance internationale, les réponses qui y sont apportées sont pourtant établies au niveau national sans coordination préalable et, le plus souvent, sans que leurs effets sur le reste du monde soient considérés. Même si les voix réclamant plus de coopération internationale se sont multipliées, le point de vue dans la plupart des pays (surtout aux Etats-Unis peut-être) reste national. La coopération internationale est aussi devenue plus difficile à cause de la diminution relative du pouvoir des Etats-Unis. Ce pays n’est plus capable de remplir son rôle de puissance hégémonique et d’être le déterminant unique des négociations internationales en même temps qu'aucun accord n’est possible sans son appui. Une Europe qui ne parle toujours pas d’une seule voix et l'augmentation du poids d'un groupe diffus des pays émergents compliquent la recherche d'un compromis international. Pourtant, il est évident qu’un marché mondial a besoin d'être régulé sur un seul et même niveau.

La crise d'aujourd'hui trouve ses racines aux Etats-Unis. Une politique monétaire très expansive, à cause de la politique domestique de la Réserve fédérale (Federal Reserve – Fed) mais aussi à cause des déséquilibres mondiaux (une balance de capitaux très positive aux Etats-Unis), a facilité l'expansion de cette bulle spéculative. Aujourd'hui le foyer moyen aux Etats-Unis est endetté à 129% de son salaire disponible ce qui mène à une diminution de consommation, accentuée par des perspectives sombres. De plus, cet endettement est uniquement possible grâce aux investissements chinois et japonais, ce qui est peu durable à long terme. Une chute en valeur du dollar paraît inévitable. Ces deux aspects assurent que les Etats-Unis comme moteur de la croissance n'est plus fiable : par décision collective ou par nécessité inévitable, les importations du plus grand marché du monde vont diminuer, affectant immédiatement tous les autres marchés.

Les membres de l'Union européenne ont pour la plupart été pris par surprise par cette crise. L’Allemagne, en particulier, avait pensé que les événements aux Etats-Unis ne la toucheraient pas. A cause du marché commun, le problème des réponses nationales à une crise internationale est même plus grave au niveau européen, l'interdépendance entre Etats étant plus élevée en Europe. Le succès des programmes nationaux de relance est donc encore plus improbable qu’à l'échelle mondiale. Entre autre la convergence économique dans l'UE est en danger. Surtout, les pays comme la Hongrie ou la Lettonie qui avaient financé leur croissance à crédit vont connaître des difficultés majeures. En ce qui concerne les institutions, l'UE avait la chance d'une présidence française très active (et respectée à cause de son poids naturel), qui a réussi à remplir le vide émanant de la Commission. Le forum décisif trouvé par cette présidence a été l'Eurogroupe plus Angleterre. Cette volonté des gouvernements de trouver un accord par les voies informelles peut être considérée comme un signe positif, mais elle peut aussi apparaître comme un exemple de la faiblesse institutionnelle de l'UE. De plus, la grande divergence franco-allemande sur la question d'un gouvernement économique européen se pose de nouveau après cette crise, même si une réponse possible - pas d'institutions ou de formalisation mais une forte coordination informelle - a peut-être déjà été trouvée.

Le dixième anniversaire de l’euro est marqué par la première récession de la zone euro. D'un côté il est clair que la stabilité de la monnaie commune a renouvelé l'intérêt des Etats européens pas encore membres de la zone euro comme le Danemark ou même l'Angleterre. Cela parce que la Slovaquie par exemple a profité de la force de la monnaie commune et a souffert beaucoup moins de pressions des marchés financiers que des autres Etats est-européens. En même temps l'évaluation très différente entre les emprunts d'Etats de l'Allemagne et de la Grèce ou de l'Espagne pose un danger grave étant donné qu'il est, a priori, interdit aux Etats européens de payer les dettes des autres membres de l’Union économique et monétaire. D’autant plus que l’Allemagne, le grand Etat le moins endetté d'Europe, paraît peu disposé à « payer pour les autres ».

En conclusion, les auteurs demandent plus d'action commune au niveau européen. Cela à cause d'une interdépendance élevée accompagnée d'une faible ouverture sur le reste du monde (22,6% du PIB seulement). Même si l'hésitation politique est compréhensible, il sera inévitable de franchir ce pas face à une crise historique dont les effets vont sans doute augmenter ces prochains mois.
Benjamin Preisler

Lectures I - JIP 2

Schwarzer, Daniela, Deutschland und Frankreich: Nie so nah und doch so fern?

Dans une note (L'Allemagne et la France : si proche, si loin?) pour la fondation économie et polique (Stiftung Wissenschaft und Politik - SWP) Daniela Schwarzer étudie de près les relations franco-allemandes depuis la déclaration commune à l'occasion du 40e anniversaire du Traité de l'Elysée en 2003. Cette analyse nous permet d'appréhender les perspectives du vieux couple dans une Union européenne à 27.

Selon Schwarzer deux évolutions principales ont marqué les relations franco-allemandes depuis 2003. La première serait la création de nouvelles structures de concertation qui auraient consolidé la coopération bilatérale. Notamment la réunion régulière d'un Conseil des ministres franco-allemand et l'institution d'un Secrétaire général pour la coopération, rattaché personnellement au Chancelier et au Premier ministre, seraient à l'origine d'un réseau bilatérale unique entre les deux Etats-nations. Ce réseau permettrait le maintien d'une coopération étroite en temps de crise.

Mais c'est effectivement cette « crise continue » qui, dans l'analyse de Schwarzer, constitue la seconde évolution importante dans les relations franco-allemandes. Loin de tensions occasionnelles et éphémères, il s'agirait au contraire d'une crise d'adaptation profonde après la réunification allemande et l'élargissement de l'Union européenne. La montée en puissance d'une Allemagne réunifiée et le déplacement sensible du centre économique et politique vers l'est de l'Union mettraient en péril l'ancien équilibre des deux partenaires.

D'après Schwarzer les crises des années 2007/2008 ont étayé l'hypothèse que des rapports institutionnels forts peuvent bien maintenir un certain niveau de communication, mais ne suffisent pas pour une relance du « moteur  franco-allemand» dans l'intégration européenne. « Le couple franco-allemand ne fonctionne pas sans l'appui et et le volontarisme de ses leaders politique », c'est là, la thèse centrale de l'étude de Schwarzer. Des Forums d'échange direct entre le Chancelier et le Président de la République comme les « rencontres de Blaesheim » restent indispensables pour une concertation immédiate et discrète entre les deux Etats.

Selon Schwarzer la coopération franco-allemande reste incontournable pour le processus d'intégration européenne. Malgré une perte d'influence importante du couple dans l'Union élargie aucune initiative d'intégration importante ne pourra s'imposer sans l'accord de la France et l'Allemagne dans les années à venir. Une possible sortie de l'impasse - et voilà la proposition la plus intéressante du rapport - serait la création d'une unité de recherches stratégiques bilatérale pour l'analyse des défis (p.ex. migration, économie, environnement) et l'élaboration d'un projet commun pour le futur de l'Union européenne.

L'étude de Daniela Schwarzer démontre l'ambiguïté des rapports franco-allemands à l'heure actuelle. Même la coopération la plus étroite qui ait jamais existé entre deux Etats-nations au niveau administratif et institutionnel ne dispense de la volonté politique de renouveler sans cesse ces relations amicales. Le rapport est moins fort dans l'analyse des perspectives du couple dans l'Union européenne. La dynamique européenne des 20 dernièeres années a montré que le futur de l'Union est difficile à prédire. Une vue dogmatique de la nécessité du « moteur franco-allemand » démontre un certain centrisme franco-allemand qui exclut l'émergence possible d'autres centres d'initiatives en Europe.
Markus Lammert

En détail - JIP 2

Quelle stratégie pour une politique africaine ? La perspective allemande.

Le rapport des députés Jean-Louis Christ et Jaques Remillier intitulé La Politique de la France en Afrique a développé des grandes lignes pour une nouvelle politique de la France en Afrique. Ce rapport affirme très explicitement que l'engagement de la France en Afrique doit être multilatéral et en collaboration avec les autres partenaires européens.

Quelles sont donc les orientations de la politique africaine outre-Rhin et chez les autres partenaires européens ?

Points de départ
Tout d'abord l'engagement de l'Allemagne sur le continent africain n'a pas de légitimité automatique. Les rapports entre les pays du continent africain et l'Allemagne sont moins enracinés mais aussi moins tendus que les rapports entre la France et l'Afrique. Un fait qui est dû à une colonisation moins durable et des ambitions moindres de l'Allemagne sur le plan de la politique étrangère. De plus, l'absence d'une langue commune et un imaginaire décalé sur l'Afrique en Allemagne pèsent sur les relations. Toutefois l'instrument des fondations politiques (la Friedrich Ebert Stiftung ou la Konrad Adenauer Stiftung) et les réseaux de la coopération de la RDA ont contribué au développement des relations profondes entres les sociétés civiles et les partis politiques du continent.

Personnalités pour l'Afrique
Le grand retour de l'Afrique dans l'agenda politique allemand a eu lieu avec l'élection de l'ancien président du FMI Horst Köhler (CDU) à la tête de la République fédérale. Dès le début le président a déclaré qu'un nouveau partenariat avec l'Afrique ferait partie de ses priorités.

Du côté des sociaux-démocrates, la ministre du développement et de la coopération économique Heidemarie Wiecoreck-Zeul a fait partie des personnages les plus engagés pour l'Afrique. Elle s'est notamment engagée pour la réconciliation avec la Namibie, ancienne colonie allemande. En 2004 elle a demandé au nom de la République fédérale pardon au peuple de Herero et Nama pour le génocide en 1904 et a reconnu la responsabilité de l'Etat allemand.

Le priorités de la politique africaine pour 2009
Comme le rapport de l'Assemblée nationale, la stratégie allemande s'intègre dans une ambition européenne d'un partenariat avec l'Afrique. Le Président Horst Köhler promeut en particulier un dialogue sur un pied d'égalité avec l'Afrique sur le terrain de la coopération économique, la paix et la lutte contre le SIDA. Derrière ce principe central, les priorités de l'Allemagne sont l'établissement et la fortification des Etats, le soutien aux institutions démocratiques et le dialogue culturel. L'Allemagne s'engage particulièrement dans l'éducation et pour le dialogue inter-culturel. Les grandes mesures sont l'élargissement des programmes du Deutsche Welle et l'expansion des Instituts Goethe.

En termes économiques les échanges avec l'Afrique représente seulement 1% du commerce extérieur de l'Allemagne (33,3 milliards € en 2007 contre 23 milliards € et 4,5% en 2005 pour la France). Concernant l'économie les tendances pour les deux pays s'opposent, les échanges entre l'Allemagne et l'Afrique augmentent contre un bilan à la baisse pour la France. Les régions clés pour l'Allemagne sont l'Angola, le Golfe de Guinée et l'Afrique du Sud.

A propos de la politique pour la paix la République fédérale compte sur un engagement des organismes régionaux comme l'Union Africaine et l'ECOWAS. En mettant l'accent sur la prévention des conflits et la médiation des crises l'Allemagne s'engage dans l'observation des élections et se sert de l'instrument service civil pour la paix. Face à une opinion publique qui s'oppose aux interventions militaires l'Allemagne s'engage surtout dans la formation des forces de police et les missions de surveillance de maintien de la paix (peace-keeping). Ensemble avec la marine française les bateaux allemands défendent les routes du commerce sur la Corne de l'Afrique dans le cadre de la Force européenne navale en Somalie.

France-Allemagne : intérêts communs – des outils différents
Encadrée par la politique européenne la France et l'Allemagne partagent les mêmes objectifs pour leur présence en Afrique : des Etats stables, autonomes et démocratiques en Afrique qui fonctionnent comme partenaires commerciaux et d'échanges culturels. La France et l'Allemagne ont des points de départ différents mais sur les deux bords du Rhin les ont compris que l'Europe peut seulement jouer un rôle en Afrique s'ils sont à l'écoute des Africains et s'ils sont capable d'offrir des partenariats sur la base du principe gagnant-gagnant.
Tobias Mörike