lundi 1 juin 2009

Le premier mai à Berlin – une tradition triste mais inévitable?

Le quartier de Kreuzberg à Berlin Ouest était un foyer de « tensions sociales » (sozialer Brennpunkt) dans les années 1980. Plus de la moitié de la population subsistait sous le minimum vital défini comme tel par l'Etat (amtlich definiertes Existenzminimum). Au même temps Kreuzberg était le centre de la gauche radicale et des groupuscules alternatifs (des punks, des squatters). La forte résistance contre le recensement (Volkszählung) aussi a été concentrée sur les deux anciennes zones postales 36 et 61. Pendant la décennie qui a précédé la réunification, il y a toujours eu des confrontations avec la police, mais les dégâts restaient limités et ne provoquaient pas l'attention nationale ou même berlinoise. Le mélange explosif a éclaté le 1er Mai 1987.

La perquisition sans mandat d'un centre de la gauche radicale, le Mehringhof, et la dissolution violente d'une fête politique dans la rue sans permis officiel ont été des éléments déclencheurs des plus grandes émeutes survenues dans l'existence de la RFA. Mille casseurs auraient réussi à prendre le contrôle du quartier jusqu'à trois heures du matin quand la police a finalement enlevé les derniers blocages. Plus de 30 magasins ont été saccagés, 193 policiers blessés, et un grand nombre de voitures brûlées.

Depuis, aucun premier mai ne s'est déroulé paisiblement à Kreuzberg. La violence a parfois été très importante (1991), parfois plutôt limitée (1993). Même s'il est discuté que les émeutes en 1987 doivent être comprise comme des actions politiques, aujourd'hui les témoignages concordent généralement sur le fait que l'alcool et la possibilité de pillage ont été les facteurs déterminants. En tout cas il est peu discuté qu'aujourd'hui le premier mai n'est qu'une occasion saisie par des jeunes défavorisés et surtout les (bourgeois pour la plupart) « touristes de bagarre » (Krawalltouristen).

Au début, les forces de l'ordre ont beaucoup contribué à la détérioration de la situation avec une réponse très violente et peu ciblée. Une politique de désescalade (Deeskalation) a produit de meilleurs résultats par la suite. Une fête officielle (Myfest) avec le soutien de la police est organisée à Kreuzberg 36 par les riverains avec des jeunes du quartier et des policiers sans monture (Anti-Konfliktteam) comme médiateurs. Les tentatives des émeutiers obstinés de commencer les rites traditionnels sont idéalement sanctionnées par leurs arrestations sans des essais de vider la rue, ce qui antagoniserait la foule. Ce concept est basé sur l'idée que les émeutes sont généralement initiées par peu d'individus qui incitent la masse, plutôt passive, à les suivre. La désescalade a largement contribué à une amélioration de la situation ces dernières années.

Malheureusement, cette année a été difficile à nouveau. Le niveau de violence n'avait pas été si élevé depuis 2004 – presque 300 arrestations et 400 policiers blessés. Ce constat semble lié d'une part à la crise et aux prophéties auto-réalisatrices de certains politiciens allemands sur l'apparition de perturbations sociales. Michael Sommer, président de la plus grande organisation des syndicats allemands, et Gesine Schwan dans sa deuxième campagne présidentielle très probablement en vaine se sont mis en valeur plutôt désagréablement avec leur rhétorique presque challengeante pour les groupuscules autonomes et violents. D'autre part, il semble que les forces de l'ordre ont agit plus violemment dès le début et surtout que leurs actions ont été moins ciblées, contribuant à la mobilisation de la foule. Cela serait lié à une forte présence de policiers de province peu habitués aux manifestations explosives de Kreuzberg.

Quelle que soit la raison, il est évident que le succès de ces dernières années en terme de limitation des dégâts n'a pas réussi à éradiquer cette tradition des émeutes à Kreuzberg. Même si la boboisation a fait disparaître les anciens quartiers 36 et 61 et si les riverains ont commencé à coopérer avec la police, les « touristes de bagarre » et les groupuscules de punks ou autres groupes autonomes refusent de céder. Il semble peu probable que cela change dans les prochaines années.
Benjamin Preisler

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